AFRIQUE - Géographie générale

AFRIQUE - Géographie générale
AFRIQUE - Géographie générale

L’Afrique a, tant au point de vue géomorphologique que climatique et humain, une originalité marquée; ce continent, le second par sa superficie, 30 180 808 kilomètres carrés, s’étend de part et d’autre de l’équateur, respectivement jusqu’à 370 21 de latitude nord (4 150 km) et 340 51 de latitude sud (3 860 km). Sa superficie est comprise pour 75 p. 100 entre les tropiques; les zones tempérées (méditerranéennes) n’en occupent que deux faibles marges, à l’extrême nord et à l’extrême sud. Cette masse continentale n’est pas également répartie entre les deux hémisphères: dans l’hémisphère Nord, l’Afrique s’étend au maximum, d’ouest en est, sur 7 500 kilomètres environ (presque autant que du nord au sud); dans l’hémisphère Sud, elle s’étend d’ouest en est sur moins de 3 750 kilomètres. Cette dissymétrie n’est pas sans conséquence, notamment dans le domaine climatique. Par sa position en latitude, l’Afrique est marquée par la prédominance de climats chauds: mais c’est dans sa partie nord que la continentalité permet d’enregistrer les températures moyennes les plus élevées, en même temps que l’aridité la plus marquée.

Le continent africain, séparé de l’Europe par le détroit de Gibraltar (14 km), est relié à l’Asie par l’isthme de Suez qui n’a jamais été une limite, mais il est entouré sur ses autres façades par les immensités marines des océans Atlantique, Indien et Austral. Sur la façade nord, la Méditerranée a joué le rôle de lien plus que d’obstacle. L’isolement de l’Afrique, pour réel qu’il soit, ne peut être comparé, par exemple, à celui de l’Australie.

La morphologie du continent a contribué à cet isolement relatif: il s’agit en effet, Maghreb mis à part, d’un bouclier très ancien, d’un socle continental consolidé pour l’essentiel depuis environ 600 millions d’années (fin du Précambrien). Il n’a subi depuis lors que des oscillations verticales, des bombements de grande ampleur ou des cassures. Ses contours lui donnent une forme massive, avec des côtes rectilignes et peu hospitalières, à quelques exceptions près. En dehors de l’archipel des Canaries, des îles de la côte orientale (Kenya et Tanzanie) et de la grande île de Madagascar, les rares îles ou archipels qu’on trouve au large du littoral sont restés inhabités jusqu’au XVe siècle. Encore les Canaries et Madagascar n’avaient-elles guère de relations avec le continent. Madagascar, séparée du continent par un bras de mer de 450 kilomètres, fit partie comme l’Afrique et le sud de l’Inde (le Dekkan) du «continent de Gondwana» qui s’est scindé il y a quelque 150 M.A. (millions d’années). Cette histoire à part ainsi que le régime des vents dominants (d’est) expliquent l’originalité par rapport à l’Afrique du peuplement végétal et animal de l’île, et aussi l’origine asiatique du noyau dominant de la population.

Le second facteur d’isolement de l’Afrique tient à la topographie même du continent: alors qu’en Europe et en Asie, sauf exceptions, les reliefs importants sont situés au centre et les plaines à la périphérie, ici, cinq grands bassins occupent le centre du continent tandis que les parties les plus relevées se trouvent à la périphérie; hauteurs et bourrelets littoraux orientent vers l’intérieur les cours d’eau nés sur leur flanc interne, ce qui oblige ceux-ci à de longs détours (Niger), ou leur fait traverser la partie proche de l’océan par des gorges et des cataractes (Congo). Les plus grands fleuves, qui drainent d’immenses bassins, n’ont jamais été des voies de pénétration en raison des multiples chutes et rapides qui en interrompent le cours.

Le dernier obstacle à la pénétration, et non le moindre, tient au climat. Exception faite des marges méditerranéennes de l’extrême nord et de l’extrême sud, le continent est très chaud, aride et désertique au voisinage des tropiques et sur un très vaste espace dans l’hémisphère Nord: le Sahara, même s’il n’est devenu un désert que tardivement (l’actuelle phase aride a commencé il y a environ 3 500 ans), constitue un obstacle majeur. À l’est, le cours du Nil l’interrompt, mais les marais du Bahr el-Ghazal relaient le désert en tant qu’obstacle.

Pourtant, dans l’état actuel des connaissances, l’Afrique – plus précisément les savanes de l’Afrique de l’Est – fut le berceau de l’humanité et a connu toutes les étapes de l’anthropogenèse et des civilisations préhistoriques. Son isolement relatif lié à la désertification du Sahara est un phénomène propre aux tout derniers millénaires; il a survécu aux grandes découvertes maritimes de la fin du XVe siècle dans la mesure où, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les Européens n’ont guère cherché à pénétrer le continent, les contacts côtiers suffisant au trafic majeur, celui des esclaves. La pénétration puis la conquête européennes à la fin du XIXe et au début du XXe siècle ont été brutales et traumatisantes. L’économie monétaire a presque partout remplacé l’économie de subsistance et contribué à la décomposition de l’ancienne société sans mettre pour autant en place une société de type moderne. L’exploitation coloniale et néocoloniale s’est concentrée sur quelques «créneaux» de rentabilité (cultures d’exportation et industries extractives). Le retard technique s’est maintenu et aggravé, aboutissant, avec l’explosion démographique survenue au milieu du XXe siècle et qui se poursuit, à une paupérisation et à un abandon progressif des campagnes, à un gonflement urbain anarchique et non soutenu par un développement concomitant de l’emploi.

Si, depuis les années 1960, l’Afrique – à quelques exceptions près – a reconquis son indépendance politique, sa dépendance économique s’est maintenue et accentuée. L’Afrique englobe l’ensemble des pays du monde les plus pauvres et les moins développés: en 1990, 28 des 42 P.M.A. (pays les moins avancés selon les normes de la Banque mondiale). La conjugaison, depuis le début des années 1970, de la crise et d’une sécheresse exceptionnelle qui a frappé principalement la zone sahélienne, immédiatement au sud du Sahara, mais n’a pas épargné le reste du continent, a rendu les problèmes économiques et sociopolitiques d’une extrême gravité (famines, déstabilisation politique).

1. Géographie physique et biogéographie

Données physiques

La terre

La majeure partie de l’Afrique est occupée par un socle ancien constitué de roches cristallines ou précambriennes. La connaissance de l’histoire de ce socle a été entièrement renouvelée par les progrès de la géochronologie (radiodatation absolue des roches cristallines et métamorphiques) et par la théorie de la tectonique des plaques – reprenant sur des bases scientifiques beaucoup plus précises la théorie de la dérive des continents formulée par Alfred Wegener au début du XXe siècle.

Le bouclier africain a été marqué au cours du Précambrien par une succession de cinq orogenèses (plissements) dont les trois dernières (éburnéenne: 1 800 M.A.; kibarienne: 1 200 M.A.; panafricaine: 600 M.A.) ont laissé des traces importantes. Les parties aplanies et stabilisées depuis la fin de l’orogenèse éburnéenne (1 600 M.A.) et kibarienne (de 1 200 à 800 M.A.) constituent quatre cratons (parties de socle très anciennement consolidées): ouest-africain, du Congo, du Kalahari, et nilotique; les parties affectées par la dernière orogenèse (panafricaine) n’ont été aplanies et stabilisées que depuis 600 à 500 M.A.

L’ensemble de ce bouclier est constitué par des roches métamorphiques fortement plissées et redressées à la verticale (gneiss, schistes cristallins, quartzites) et par des massifs cristallins intrusifs (granites, etc.). Au Permien et jusqu’au début du Jurassique (entre 280 et 180 M.A.), l’ensemble des plaques continentales actuelles étaient soudées en un continent unique, la Pangée: l’Afrique faisait elle-même partie d’un sous-ensemble, le continent de Gondwana, qui comprenait aussi le massif Brésil-Guyanes, Madagascar, le Dekkan, l’Australie et l’Antarctide.

La plate-forme d’érosion mise en place après la destruction des chaînes panafricaines fut partiellement envahie par des transgressions marines au cours de l’ère primaire (du Cambrien au Carbonifère inférieur); il en reste des dépôts de couverture (surtout grès et schistes). Les orogenèses calédonienne et hercynienne atteignirent alors l’Afrique, mais ne s’y manifestèrent que dans des zones marginales (Mauritanides, chaînes du Cap), et ailleurs seulement par des ondulations du socle à très grand rayon, sur 100 à 3 500 kilomètres pour une amplitude en hauteur de quelques milliers de mètres, dessinant par entrecroisement une série de bassins et de môles.

L’ère secondaire et l’ère tertiaire sont marquées par une érosion subaérienne qui accumule des dépôts continentaux: séries intercalaires (du Permien au Crétacé inférieur: grès et marnes rouges, tel le complexe du Karroo en Afrique australe); Continental terminal (du Crétacé au Mio-Pliocène: grès, marnes, calcaires). Elles sont marquées aussi par des transgressions: golfe sénégalo-mauritanien, fossé de la Bénoué avec des prolongements jusqu’au Tchad (séries marines allant du Crétacé à l’Éocène: grès, marnes, calcaires).

La transgression crétacée est liée à la dislocation de la Pangée; celle-ci commence au Jurassique: la Laurasie (Amérique du Nord et Eurasie) se sépare du continent de Gondwana, qui se disloque à son tour, aboutissant à la séparation de l’Afrique et du bouclier brésilien.

L’orogenèse tertiaire (alpine) n’atteindra que quelques régions africaines (le plus directement, le Maghreb, occupé jusque-là par une fosse marine); le heurt entre plaques (ou fragments de plaques) européenne et africaine, suivi de retrait, a abouti d’une part à la formation de chaînes vigoureusement plissées, celles de l’Atlas, qui s’accolent au bouclier africain, et, d’autre part, à l’ouverture de la Méditerranée. L’orogenèse n’est pas achevée et cette zone demeure instable (séismes). Les sédiments secondaires et tertiaires plissés sont constitués principalement de calcaires, de marnes, d’argiles et de grès.

Dans le reste du continent, courbures et fractures rejouent, accentuant la disposition en môles et cuvettes. À l’est, le relèvement du socle s’accompagne de fractures et d’épanchements volcaniques; bien plus, une cassure se dessine au sein du continent avec les rifts qui s’alignent de la mer Morte (en Asie) aux deux lignes de fossés occupés par les grands lacs. La séparation est acquise entre l’Afrique et la péninsule arabique (fossé de la mer Rouge); elle s’esquisse entre la masse du continent et la plaque somalienne à l’est des rifts.

Le volcanisme récent et actif concerne surtout l’Afrique de l’Est où il donne les sommets les plus élevés du continent (Kilimandjaro: 5 895 m; mont Kenya: 5 199 m), mais touche accessoirement l’Afrique de l’Ouest (mont Cameroun: 4 070 m). Intrusions et éruptions ont modifié dès le Précambrien le socle métamorphique et ses éventuelles couvertures sédimentaires: intrusions de granites qui ont digéré les roches préexistantes; intrusions de dolérites qui les truffent; reliefs volcaniques postiches (cônes, nappes de laves et de cendres) qui les recouvrent.

Les données géologiques permettent de comprendre les grands traits du relief africain et leur originalité. Le socle a été gondolé suivant des directions entrecroisées donnant d’immenses cuvettes (souvent occupées par des couvertures sédimentaires) et des môles ou bordures relevées, où parfois le socle apparaît, mais où parfois aussi subsistent des couvertures sédimentaires soulevées (tels les grès primaires du Fouta-Djalon). C’est sur ces môles qu’on trouve les traces de surfaces d’érosion correspondant à une série de grands cycles d’aplanissement: surface de Gondwana (infra-crétacée, antérieure à la coupure Afrique-Brésil); surface crétacée, surface «africaine» éocène (la plus largement développée, notamment en Afrique australe), surface pliocène, inachevée. Ces surfaces correspondent à des pédiplaines, constituées sous un climat tropical à nuance aride.

Les données structurales et morphologiques expliquent qu’à la différence de l’Europe occidentale (et à l’exception du Maghreb) les reliefs tabulaires dominent, avec une altitude moyenne supérieure à 500 mètres et avec des transitions d’un niveau à l’autre qui, au lieu d’être ménagées, sont brutales. Ces dénivellations correspondent à des corniches ou reliefs monoclinaux constitués par les épaisses couches de grès primaires surmontant parfois le socle (tassilis du Sahara, plateaux du Fouta-Djalon, falaises de Bandiagara et de Banfora); elles peuvent correspondre à des failles – et c’est particulièrement le cas dans la zone des rifts où des horsts peuvent porter le socle à plus de 5 000 mètres (Ruwenzori: 5 109 m). Enfin, les reliefs dominant les grandes surfaces peuvent être aussi fournis par les reliefs postiches des grands appareils volcaniques.

À plus grande échelle, dans les affleurements de roches métamorphiques, les quartzites extrêmement résistants peuvent donner des arêtes étroites et allongées (Nimba, Simandou, Atakora). À plus grande échelle encore, les processus d’érosion dominants ont pu laisser subsister des reliefs résiduels: inselbergs aux sommets souvent tabulaires, dans les zones à climat aride; dômes et pains de sucre sous climat tropical humide et en terrain cristallin.

Les reliefs alpins du Maghreb font exception. Si, dans l’Atlas saharien et les Hauts Plateaux, où le bouclier sous-jacent est ployé en pli de fond et soulevé, les formes tabulaires restent fréquentes, l’Atlas tellien a des formes qu’on retrouve dans les montagnes méditerranéennes d’Europe: montagnes incisées par des vallées dues à l’érosion fluviatile; le déboisement y a accentué les formes d’érosion anthropiques (arrachements, coulées boueuses, bad-lands).

À la massivité du continent répond une côte rectiligne, avec des profils légèrement convexes ou concaves, des caps à peine saillants. La plate-forme continentale est généralement étroite, et les grandes profondeurs sont proches de la côte. Il n’y a pas d’autres îles que des pointements volcaniques perdus dans les océans. Madagascar est un fragment de continent, séparé de l’Afrique de longue date. Les transgressions quaternaires ont pu, exceptionnellement, donner des côtes à rias (ainsi de l’embouchure de la Gambie à la Sierra Leone). Mais, en général, ces côtes ont été rapidement oblitérées par des cordons littoraux qui en renforcent l’allure rectiligne.

Les sols sont étroitement dépendants des formes du climat, et la pédogenèse étroitement associée aux modalités de l’érosion ou de l’altération du sous-sol. Dans le désert et les régions arides, les sols sont squelettiques ou absents; les pluies irrégulières mais violentes favorisent le transport des débris en nappes, l’élaboration de pédiments très légèrement inclinés où subsistent des inselbergs. À l’inverse, dans les zones à climat humide, le couvert végétal maintient en permanence sur la roche un cataplasme humide; l’hydratation des silicates constitutifs des roches cristallines (transformés en silicates hydratés: argiles), la dissolution des éléments solubles libérés engendrent une épaisse couche d’altération (jusqu’à plusieurs mètres d’épaisseur) d’où la silice est elle-même en partie éliminée. Les sols ferrallitiques qui en résultent (très largement répandus) se présentent sous l’aspect d’argiles rouges ou jaunes (argiles kaoliniques teintées par des oxydes de fer: en rouge par l’hématite, en jaune par la limonite). Le sol végétal et humifère est relativement mince, facilement emporté si le couvert végétal est durablement détruit, faisant alors place à des ravines d’érosion qui se développent dans les altérites sous-jacentes (lavakas de Madagascar).

Les sols cuirassés (que l’on confondait naguère avec les précédents sous le nom de latérites) sont d’une tout autre nature: durs, rigides et non meubles; résultant non d’un processus d’altération, mais d’un processus d’accumulation d’oxydes de fer, successivement mobilisés dans les périodes pluvieuses, puis précipités en saison sèche, et constituant des granules, puis peu à peu une cuirasse continue. Leur zone de formation est celle des climats tropicaux à saisons alternées (sèche et humide). La répétition de ces processus au cours de millions d’années explique l’épaisseur (parfois plusieurs mètres) de certaines de ces cuirasses. Lorsqu’elles affleurent, elles sont parfaitement infertiles – ce sont les bowé (singulier: bowal ) du Fouta-Djalon.

Ces cuirasses peuvent apparaître dans des sols génétiquement différents, sols ferrallitiques, mais aussi sols ferrugineux tropicaux (sols beiges argilo-sableux sous climat tropical sec), vertisols (dans les zones riches en éléments basiques et mal drainées: argiles gris-noir ou brunes de type montmorillonite), sols hydromorphes (argiles noires tropicales). Les sols brun-rouge, fragiles, des régions tropicales les plus arides, échappent au cuirassement. Au Maghreb apparaissent des sols méditerranéens: encroûtements calcaires, terra rossa, sols salins.

Le climat

Traversée par l’équateur en son milieu, l’Afrique avoisine, au nord et au sud, le 35e parallèle. À la gamme des climats tropicaux elle ajoute les climats arides (désertiques) et une frange tempérée méditerranéenne.

Le mécanisme fondamental des climats est déterminé par la répartition zonale de masses d’air ayant des caractéristiques spécifiques. Les jet-streams , courants d’ouest rapides circulant à haute altitude, aux latitudes tempérées, engendrent une ascendance de l’air sur leur versant polaire (dépressions de front polaire, accompagnées de pluies) et un mouvement descendant sur leur versant tropical. C’est ce mouvement descendant qui est à l’origine de la formation des masses d’air tropical: elles sont à la fois anticycloniques (de haute pression) et de température élevée, caractéristiques qui rendent problématique la condensation de l’humidité atmosphérique et engendrent l’aridité. Ces masses d’air toutefois se différencient suivant qu’elles sont continentales ou maritimes (ces dernières moins sèches et soumises à des variations saisonnières plus réduites).

Aux environs de l’équateur arrivent en contact les masses d’air tropicales respectives des deux hémisphères: l’inversion des saisons d’un hémisphère à l’autre (l’été boréal correspondant à l’hiver austral) établit entre ces masses d’air un contraste; leur contact (la convergence intertropicale) provoque la formation, dans la zone équatoriale, d’une aire turbulente et pluvieuse. Le contraste peut être accentué si la convergence met en opposition une masse d’air continental et une masse d’air maritime: il en est ainsi de l’anticyclone saharien stationnant sur l’Afrique de l’Ouest et de l’anticyclone austral de Sainte-Hélène.

De chacune des zones de hautes pressions se dirigent vers la convergence des courants aériens, déviés par la force de Coriolis, vers la droite dans l’hémisphère Nord, vers la gauche dans l’hémisphère Sud. Ces vents alizés, de nord-est à est dans l’hémisphère boréal, de sud-est à est dans l’hémisphère Sud, peuvent être très secs (c’est l’harmattan soufflant du Sahara) ou relativement humides (alizé marin de nord-nord-est sur la côte mauritano-sénégalaise); l’alizé austral de sud-est donne des pluies de relief sur l’escarpement oriental de Madagascar; l’alizé austral de sud-est émanant de l’anticyclone de Sainte-Hélène, au moment de l’été boréal, passe au nord de l’équateur et se trouve dévié en mousson de sud-ouest.

Schématiquement se succèdent donc, du 35e parallèle vers l’équateur: une zone marquée par le passage du front polaire (avec dépressions et pluies); une zone de hautes pressions et de températures élevées, aride, au voisinage des tropiques; une zone de faibles pressions et de pluies au voisinage de l’équateur. Mais ces zones ne sont pas immobiles; elles oscillent au rythme des saisons: dans l’hémisphère Nord, remontant vers le nord pendant l’été, descendant vers le sud pendant l’hiver (mouvement symétrique dans l’autre hémisphère).

Il en résulte la séquence climatique suivante: à l’extrême nord et à l’extrême sud (Maghreb et province du Cap) une zone méditerranéenne où alternent, en hiver, un régime tempéré de front polaire, avec des températures relativement fraîches et des pluies (tombant sous forme d’averses parfois violentes, irrégulières dans leur distribution et leur total annuel), et, en été, un régime anticyclonique continental sec et chaud.

Au voisinage des tropiques, la permanence des hautes pressions donne un climat aride ou désertique (Sahara dans l’hémisphère Nord, Kalahari et Namib dans l’hémisphère Sud). Sauf dans le désert de Libye (aux confins de la Libye, de l’Égypte et du Soudan), il n’y a pas absence de précipitations, mais extrême faiblesse des moyennes annuelles et extrême irrégularité; les précipitations, lorsqu’elles surviennent, le font sous forme d’orages violents, plutôt en été dans le Sahara méridional (pluies de régime tropical, dues à la remontée extrême de la convergence intertropicale), en hiver dans le Sahara septentrional (pluies de front polaire). La continentalité et l’absence de nébulosité accentuent les contrastes thermiques, diurne et saisonnier. Sur les rives atlantiques, les alizés marins issus des anticyclones des Açores et de Sainte-Hélène (de nord-nord-est sur la côte saharienne, de sud-sud-ouest sur la côte de Namibie) et les courants froids (des Canaries et de Benguela) qui leur sont associés abaissent les températures moyennes et maintiennent l’aridité. Le désert austral est réduit à la fois par le rétrécissement du continent et l’influence des pluies apportées par l’alizé austral (de sud-est) sur la côte orientale (Madagascar, Natal).

Entre le 20e et le 5e degré de latitude (approximativement) s’étend la zone tropicale proprement dite caractérisée par l’alternance d’un régime anticyclonique continental en hiver, analogue à celui du désert (descente vers le sud des hautes pressions), c’est la saison sèche, et d’une saison des pluies ou hivernage en été, due à la remontée vers le nord de la convergence intertropicale (dans l’hémisphère boréal; le rythme est inverse dans l’hémisphère Sud). Aux approches de l’équateur, on enregistre deux maximums pluviométriques, encadrant une période de récession des pluies dite parfois petite saison sèche.

Dans cette zone tropicale, les températures sont toujours élevées (moyennes mensuelles toujours supérieures à 20 0C) mais avec une amplitude saisonnière de l’ordre de 15 0C et des températures maximales pouvant dépasser 40 0C en fin de saison sèche (avril-mai dans l’hémisphère Nord).

Au voisinage de l’équateur (avec un certain décalage vers le nord: l’équateur thermique se situe un peu au nord de l’équateur réel), la convergence intertropicale se maintient toute l’année: pluies abondantes (avec deux maximums au moment des équinoxes), températures élevées, avec de faibles amplitudes diurne et annuelle (moyenne autour de 28 ou 29 0C).

Par rapport à cette disposition zonale, comportant des transitions progressives, l’Afrique orientale témoigne d’une anomalie climatique due à la fois à la barrière méridienne constituée par les hauteurs qui la traversent, et à l’orientation des grands courants aériens. En janvier (été austral), alors que, sur le golfe de Guinée, la convergence intertropicale reste centrée au voisinage de l’équateur, au-dessus du continent, elle descend jusqu’à plus de 20 0C de latitude sud (cf. carte). L’alizé boréal de nord-est, ayant franchi l’équateur, devient un vent de nord-ouest, apportant des précipitations sur les Comores et le nord-ouest de Madagascar. En juillet (hiver austral), si l’alizé marin de sud-est maintient une relative pluviosité sur le littoral «au vent», l’intérieur subit un effet de fœhn desséchant.

Dans l’hémisphère Nord, et jusqu’à 100 de latitude sud, en janvier, l’alizé continental, venu de l’Asie antérieure et peu chargé d’humidité par son passage au-dessus de la mer d’Oman, au surplus plus ou moins parallèle à la côte, n’apporte guère d’humidité; en juillet, les pluies apportées par l’alizé austral atlantique sur le bassin du Congo n’atteignent qu’exceptionnellement et faiblement les hauts plateaux de l’Éthiopie et de la zone interlacustre. Il en résulte que, quelques secteurs côtiers méridionaux mis à part, toute l’Afrique orientale est marquée par un déficit pluviométrique relatif; le rythme climatique reste équatorial (deux maximums pluviométriques) ou tropical (un maximum), mais l’aridité domine et le désert s’étend jusqu’en Somalie et, dans les vallées des rifts, jusque sous l’équateur. Cette aridité anormale est atténuée au voisinage des grands lacs (Victoria notamment), par l’évaporation, et en altitude (pluies de convection, évaporation réduite par la baisse des températures). Avec un rythme toujours tropical ou équatorial, le climat peut devenir tempéré, voire froid (quelques glaciers sur les plus hauts sommets).

Les eaux

La climatologie, d’une part, les grands traits de la structure et du relief, d’autre part, conditionnent l’hydrologie africaine.

En raison de l’étendue de ses régions arides, l’Afrique est, après l’Australie, le continent qui compte la plus forte proportion de territoires sans écoulement vers la mer: 53 p. 100 de sa superficie totale dont 40 p. 100 de régions aréiques (sans écoulement permanent) et 13 p. 100 de régions endoréiques (écoulement vers un bassin intérieur). Les eaux de pluies sont éliminées par infiltration et surtout par évaporation.

Au nord, ce domaine s’étend sur tout le Sahara, de l’Atlantique à la mer Rouge (désert de Nubie): l’Égypte et la partie du Soudan située à cette latitude échappent à l’aridité grâce à la présence du Nil, dont le bassin supérieur est alimenté par les pluies tropicales et équatoriales: mais le débit du Nil, au niveau du delta, ne représente plus que 59 p. 100 de celui qu’il avait après le confluent de l’Atbara.

Des zones d’endoréisme encadrent le Sahara au nord et au sud. Dans le Maghreb, les nappes d’eau temporaires qui occupent le fond des bassins fermés portent le nom de chotts. Ils se localisent en chapelet sur les hauts plateaux steppiques de l’Algérie et, en Algérie orientale et en Tunisie, au sud de l’Aurès où les chotts Rharsa et Melhrir sont au-dessous du niveau de la mer. Au sud du Sahara, l’endoréisme concerne essentiellement le bassin du Tchad où le Logone et le Chari achèvent leur cours. La nappe actuelle est le résidu d’un lac qui couvrait 300 000 kilomètres carrés au Quaternaire; de faible profondeur, elle subit des variations saisonnières qui modifient son étendue du simple au double: après un niveau maximal vers 1966, elle a subi une forte régression du fait de la séquence aride contemporaine. En Afrique orientale aride, plusieurs nappes d’eau nichées au fond des rifts sont privées d’écoulement extérieur (lacs Rukwa, Rodolphe, Eyasi).

Dans l’hémisphère Sud, le domaine endoréique correspond au désert et aux steppes du Kalahari, vaste bassin fermé où convergent plusieurs cours d’eau (le principal étant l’Okavango). Leurs eaux s’y étalent en deltas intérieurs marécageux ou alimentent des nappes pérennes (lac Ngami) ou des chotts. Dans le désert côtier du Namib, l’aréisme cesse tous les huit ou dix ans, mais les eaux s’infiltrent dans les sables ou stagnent dans des mares sans arriver à la mer.

Entre ces zones sans écoulement vers la mer s’étend le domaine de l’exoréisme. Les vastes cuvettes dessinées par la structure correspondent pour l’essentiel à autant de grands bassins hydrographiques; elles conservent souvent dans leur partie centrale des zones lacustres ou marécageuses (lacs sur la rive gauche, marécages de la Cuvette sur la rive droite du Congo; «delta intérieur» et lacs Debo et Faguibine dans le bassin du Niger). Sur les fonds alluvionnaires aux pentes insensibles, ces fleuves coulent lentement et parfois s’étalent (tel le Congo, dans le Pool entre Kinshasa et Brazzaville). Ils débordent pendant les crues. La concentration des eaux réalisée, les fleuves sortent des bassins par des gorges étroites, profondes, coupées de rapides. À l’intérieur d’un même bassin, les biefs se succèdent par des dénivellations brutales, cataractes ou rapides. En aval du Pool, le Congo franchit trente-deux rapides; après un saut de 110 mètres aux chutes Victoria, le Zambèze entaille le défilé de Kariba (aujourd’hui occupé par un lac de retenue) et traverse plusieurs cataractes, la dernière aménagée au profit du barrage de Cabora-Bassa; entre le lac Victoria et le lac Albert, le Nil supérieur est coupé d’impressionnantes cataractes (Owen Falls, Murchison Falls, la première alimentant la plus grande centrale électrique d’Afrique de l’Est), puis, à la sortie des marais du Bahr el-Ghazal, il franchit six cataractes avant d’atteindre la Méditerranée (le barrage d’Assouan utilise un des défilés correspondants); sur le Niger, le profil presque plat du fleuve à la sortie du delta intérieur se brise aux rapides de Tosaye et d’Ansongo, suivis d’une série d’autres, les derniers aménagés par le barrage hydroélectrique de Kainji.

Ces ruptures de pente ne traduisent pas une jeunesse du cours d’eau, ou des captures comme on l’avait cru jadis. Dans le cas du Congo, le tracé du fleuve, établi dès le début du Secondaire, s’est maintenu par antécédence, quand le bourrelet côtier s’est progressivement soulevé. Le Niger, au Quaternaire, alimentait une cuvette fermée dans la région d’Araouane; la désertification et la progression de dunes mobiles lui en ont fermé l’accès, et c’est par déversement qu’il a pris son itinéraire actuel, gagnant le golfe de Guinée après le coude de Gao.

Tous ces traits – succession de biefs à pente faible se raccordant par des rapides ou cataractes, vallées faiblement individualisées et étendue du lit majeur, lacs de déversement – s’expliquent par les modalités de l’érosion fluviale sous climat tropical, où l’altération chimique des roches l’emporte sur l’érosion mécanique. De ce fait, les affluents du Tchad ne semblent pas menacés de capture, comme on l’avait cru d’abord, par les affluents de la Bénoué, bien qu’en période de crue une partie des eaux du Logone s’y déverse: l’incertitude de l’écoulement est ancienne.

En Afrique orientale, les fossés tectoniques ou rifts ont été occupés par des lacs étroits et allongés, isolés ou réunis en chapelet par des émissaires (Nyassa, Tanganyika, Kivu, Édouard, Albert); ils sont souvent très profonds (plus de 1 500 m pour le lac Tanganyika). Ce n’est pas le cas du lac Victoria, plus étendu mais peu profond, correspondant à une retenue d’eau par un bloc basculé.

Le régime des cours d’eau intertropicaux est rythmé par le passage de la convergence intertropicale: une crue, correspondant, avec un décalage plus ou moins important dans le temps, au maximum pluvial, est suivie d’une période de basses eaux atteignant son minimum en fin de saison sèche (Sénégal, Chari et Logone, Zambèze, Betsiboka à Madagascar). Ce régime est irrégulier: le maximum de septembre du Sénégal à Bakel (avant la grande sécheresse) pouvant varier de 2 500 à 7 000 m3/s; à l’étiage, le débit est insignifiant et l’eau de mer remonte jusqu’à 220 kilomètres de l’embouchure. Le cas du Niger est singulier: dans son cours inférieur, la superposition de la crue pluviale locale, la plus importante, et de la crue retardée venue du bassin supérieur donne deux flots de crue successifs, le premier en août-septembre, le second en mars.

Les fleuves de la zone équatoriale (100 de part et d’autre de l’équateur) sont plus abondants et surtout plus réguliers, sans période de très basses eaux, avec deux maximums correspondant aux maximums pluviométriques d’équinoxe. Le débit du Congo varie entre 20 000 et 70 000 m3/s (minimum et maximum enregistrés), et son débit moyen (41 300 m3/s) n’est dépassé que par celui de l’Amazone; les crues de ses affluents tropicaux, venus des deux hémisphères, crues survenant en saisons opposées, se relaient et s’annulent, contribuant à une régularisation à un niveau élevé.

La zone méditerranéenne australe (bassins de l’Orange, débouchant sur l’Atlantique, et du Limpopo – à demi-tropical –, débouchant sur l’océan Indien) a des cours d’eau très irréguliers, mais permanents, grâce aux pluies d’altitude des hauteurs orientales; dans le Maghreb, les pluies, irrégulières, ne sont abondantes que sur certaines parties du littoral, les fleuves deviennent des oueds qui ont des crues parfois dévastatrices de l’automne au printemps, mais qui tombent presque, ou tout à fait, à sec en été.

Données biogéographiques

Les formations végétales constituent l’élément fondamental du milieu naturel; leur distribution reflète pour l’essentiel celle des zones climatiques, principalement le régime des pluies et de l’humidité atmosphérique; le relief, la nature des sols ne jouent en règle générale qu’un rôle de différenciation accessoire.

Les formations végétales en équilibre avec le milieu physique (les climax) ne sont pas immuables; le climat évolue, et l’épisode aride qui a marqué le Sahel de 1968 à 1985 est venu le rappeler. Mais, dans la période contemporaine, c’est surtout l’intervention humaine qui a perturbé les équilibres naturels: destruction répétée et sans cesse étendue de la végétation par le feu (pour la chasse, pour le défrichement), par la collecte du bois de construction et de chauffage, par le surpâturage: bilan, la «savanisation» des zones tropicales, voire la désertification des zones sahéliennes, les ravages de l’érosion des sols, surtout dans les zones méditerranéennes. Ces processus engagés depuis des siècles avec l’extension de l’agriculture et de l’élevage ont été brutalement accélérés dans la période coloniale et postcoloniale, à la fois par les exigences d’une production commercialisable s’ajoutant à la production vivrière, et par les progrès de la démographie, sans progrès techniques concomitants suffisants au niveau des sociétés rurales.

La forêt dense humide

Elle occupe les zones équatoriales où la pluviosité est à la fois forte (plus de 1 000 mm par an) et bien répartie (moins de trois mois secs, c’est-à-dire recevant moins de 100 mm de pluies). Des facteurs de relief ou édaphiques peuvent intervenir pour en étendre ou en limiter l’emprise.

La terminologie est multiple: forêt dense humide, forêt vierge, forêt pluviale (transcription du savant «forêt ombrophile» ou de l’anglais rainforest ), forêt sempervirente (evergreen forest ). Elle est toujours verdoyante (en l’absence de rythme saisonnier marqué, la chute des feuilles des espèces à feuilles caduques survient, brièvement, à des moments différents). Elle est extrêmement hétérogène; on compte jusqu’à plusieurs centaines d’espèces au kilomètre carré, ce qui n’en facilite pas l’exploitation. La luxuriance atteint des chiffres records, tant pour la masse de matière végétale existante que pour la productivité (près de quatre fois celle des forêts tempérées).

La forêt primaire, intacte, comporte ordinairement trois strates de végétation: une strate supérieure de grands arbres héliophiles dont les frondaisons peuvent se situer à 40 ou 50 mètres au-dessus du sol et constituent une voûte épaisse, peu ou mal pénétrée par les rayons solaires, brisant le choc des gouttes de pluie. Ces grands arbres élancés, à écorce mince et lisse, les branches ne se détachant qu’à proximité du sommet, sont souvent munis d’énormes contreforts sans rôle fonctionnel; l’enracinement est faible, l’arrachement par les tornades fréquent. Une deuxième strate est constituée d’espèces d’ombre, arbres plus petits (de 20 à 30 m) aux frondaisons souvent fusiformes et aux feuilles minces (adaptation au manque de lumière). Une troisième strate est formée d’arbustes et de semis. Il y a donc trois strates arborées en tout: au sol, la strate herbacée est absente ou discontinue. Le sous-bois, souvent aéré, est seulement encombré de souches et débris pourrissants. À tous les niveaux, on trouve des lianes et des épiphytes (mousses, fougères, orchidées). Le sol humifère est mince, les altérites peuvent s’étendre sur plusieurs mètres, mais – sauf gouttières – l’épaisseur de la couverture végétale limite l’érosion mécanique.

En cas de destruction, la place est rapidement occupée par une forêt secondaire composée d’espèces héliophiles de taille moyenne normalement absentes de la forêt primaire où la strate supérieure leur ferme l’accès à la lumière; on les retrouve également dans les trouées naturelles (affleurements rocheux, rives de cours d’eau très larges). En Afrique de l’Ouest, l’une des plus représentatives de ces espèces est le parasolier (Musanga cecropioides ). Peu à peu, avec la reprise des arbres de grande taille, la forêt primaire se reconstitue et ces espèces sont éliminées.

Sauf l’éléphant et la panthère, il y a peu de gros herbivores et de grands carnassiers qui se nourrissent des précédents: l’herbe manque. En revanche, la diversité de micro-habitats étagés s’accompagne d’un pullulement de petits animaux (oiseaux, serpents, rongeurs, animaux grimpeurs comme les singes, insectes, micro-organismes).

La forêt dense humide constitue un noyau compact dans la cuvette du Congo, au Gabon et au sud du Cameroun; elle se prolonge en bordure du golfe de Guinée jusqu’en Sierra Leone, avec une interruption sur le littoral béninois et togolais, à pluviosité anormalement faible. En Afrique orientale, son extension est limitée à quelques secteurs du littoral et à certains reliefs.

Cette extension théorique a été depuis longtemps réduite par l’intervention de l’homme, notamment sur la côte du golfe de Guinée et sur la côte orientale de Madagascar, du fait des défrichements culturaux.

Forêt sèche et savane

La zone tropicale à saisons contrastées (six mois de saison sèche, six mois d’hivernage) est occupée par deux formations végétales majeures: forêt sèche et savane.

Le climax paraît bien être ici la forêt sèche, tropophile (à feuilles caduques), qui exceptionnellement peut être dense (là où quelques ravins ou escarpements rocheux conservent une humidité permanente et lorsque la topographie protège des feux), mais dont le faciès le plus commun est la forêt claire.

Cette forêt claire sèche ne comporte qu’une strate arborée dépassant rarement 20 à 25 mètres, moins hétérogène que la forêt dense, et dont la physionomie rappelle celle des forêts tempérées. La lumière atteint largement le sol et y permet le développement d’une strate herbacée. C’est cette strate qui rend la forêt sèche particulièrement fragile. Pendant la saison sèche, sous le souffle de l’harmattan, herbes sèches et arbres dépouillés sont très sensibles aux feux de brousse. Si ceux-ci, comme il est fréquent, se renouvellent chaque année, les espèces d’arbres les plus fragiles vont être éliminées et la forêt claire sèche fera place à une formation secondaire, anthropique, la savane.

Celle-ci, largement prépondérante, est constituée principalement d’une strate herbacée associant graminées pérennes et thérophytes (plantes annuelles). Desséchées, racines ou graines résistantes aux feux donnent une végétation nouvelle dès les premières pluies: les racines constituent un feutrage épais qui peut descendre jusqu’à 50 centimètres de profondeur et augmente la résistance aux feux. Principaux genres: andropogon, pennisetum (l’«herbe à éléphants», Pennisetum purpureum , peut atteindre 2 m de hauteur), imperata (Imperata cylindrica est la «mauvaise herbe» typique des sols trop longtemps cultivés).

La strate arbustive ou arborée est quelquefois absente (savane herbacée), toujours discontinue: arbres isolés ou bouquets d’arbres, parfois mosaïque associant boisements et zones herbeuses, ou forêt-parc. La forêt se maintient au bord des cours d’eau permanents (forêt galerie).

Quelques rares espèces végétales de la forêt dense se retrouvent dans la savane sous des formes vicariantes, mais la plupart sont spécifiques; presque toutes à feuilles caduques, elles se différencient des précédentes par un enracinement puissant (qui permet d’atteindre la nappe d’eau en profondeur), des troncs épais et noueux, une écorce épaisse et souvent scoriacée (résistance aux feux et à la sécheresse), par leur aptitude à se reproduire par rejet, la souche restant vivace lorsque la superstructure a été détruite par le feu.

Il n’est pas exclu qu’aient pu exister des savanes climaciques: mais, en règle générale, elles résultent d’une dégradation anthropique (il n’y a pas d’exemples de feux spontanés: la foudre ne tombe qu’en saison des pluies et l’humidité fait alors obstacle à la propagation des feux).

L’abondance de la végétation herbacée en saison des pluies explique la présence et la densité relative d’animaux herbivores de grande taille – gazelles, antilopes, buffles, rhinocéros, hippopotames, phacochères (variante du sanglier), de leurs prédateurs, les fauves carnassiers (lion, panthère) et de leurs auxiliaires mangeurs de charognes (hyènes, chacals, oiseaux charognards). L’herbe explique aussi la présence d’oiseaux granivores, dont les fameux «mange-mil» (Quelea ), fléau pour les cultivateurs. La strate arborée abrite des animaux arboricoles (oiseaux, singes). La saison sèche crée pour cette faune un problème de survie: son alimentation se trouve réduite (herbes sèches, racines) et surtout le manque d’eau l’oblige à se concentrer autour des points d’eau et des cours d’eau permanents, ou à migrer vers les régions restées plus humides. Il y a ainsi une migration saisonnière des espèces animales, dans laquelle les nomades éleveurs de bovidés se sont inscrits, suivant le déplacement de la convergence intertropicale. Parmi les insectes, nombreux, on doit mentionner les termites, mangeurs de cellulose et liés à la strate herbacée. Vivant en colonies, ils construisent des édifices, les termitières, parfois petites mais très nombreuses (celles du Cubitermes , par exemple, en champignon), parfois aussi très grandes comme celles du Bellicositermes Rex qui peuvent atteindre de 10 à 60 mètres de circonférence à la base, et de 3 à 6 mètres de hauteur. En brassant le sol, parfois jusqu’à 12 mètres de profondeur, les termites contribuent à mélanger éléments minéraux et organiques: les sols de termitière ont en général une structure aérée et une richesse en éléments nutritifs qui les rend fertiles. Autres insectes, redoutables: les sauterelles, notamment le criquet pèlerin, le criquet migrateur, capables à partir de sites de nidification sahéliens ou désertiques d’invasions destructrices des récoltes.

La chaleur et l’humidité de la saison des pluies favorisent le pullulement des micro-organismes, mais il faut se garder d’un déterminisme géographique sommaire: les maladies microbiennes, virales, parasitaires qui affectent l’homme sévissent dans les savanes humides (plus qu’en forêt où le milieu limite la circulation): paludisme, fièvre jaune, trypanosomiase, onchocercose, bilharziose et diverses filarioses. La méningite cérébro-spinale sévit surtout dans les savanes sèches.

Les steppes

La limite entre forêt dense humide (même dégradée, remplacée par des formations secondaires ou des plantations) et forêt sèche (ou savane) est relativement nette, marquée par un changement floristique. Au contraire, la limite entre savane et steppe est progressive, largement conventionnelle. À mesure que l’on s’éloigne de l’équateur, l’aridité s’accroît (diminution du total pluviométrique, irrégularité croissante dans la distribution des pluies, forte évaporation). On peut situer la limite vers l’isohyète de 600 millimètres.

La steppe tropicale (qui n’a rien à voir avec la steppe continentale des zones tempérées) n’est pas structurellement différente de la savane: on y trouve toujours une strate arborée ou arbustive plus ou moins présente (la steppe arborée ou arbustive peut laisser place à la steppe herbeuse), mais les arbres sont adaptés à la sécheresse (feuilles réduites, épines); l’élément ligneux arboré ou arbustif est parfois accompagné ou remplacé par des plantes grasses (euphorbiacées, cactacées) qui présentent la même adaptation. La strate herbacée est constituée d’herbes courtes, dures, formant un tapis discontinu. Le caractère ouvert de la steppe fait obstacle, là où il est bien affirmé, à la propagation des feux de brousse: mais le surpâturage et le piétinement des troupeaux au voisinage des points d’eau, la recherche du bois de feu sont des causes de dégradation non moins redoutables.

Au sud du Sahara, la zone qui correspond à la steppe a reçu le nom de Sahel (en arabe, rivage: celui qu’abordent les caravaniers après la traversée du désert, à l’instar des navigateurs). Elle s’étend au-delà du Nil en Afrique orientale et, à la faveur de l’anomalie aride de cette partie de l’Afrique, atteint l’équateur dans certaines parties du Kenya et va jusqu’en Tanzanie.

En Afrique australe, la steppe couvre également de vastes superficies : ses différents faciès se succèdent du nord-est au sud-ouest, avec un progrès dans l’aridité à mesure que les pluies diminuent: le Kalahari porte une steppe boisée, le thorn woodland ; la steppe est beaucoup plus pauvre dans le Damara et le Grand Nama.

Les déserts

Le terme, consacré, est ambigu (il se réfère à une absence d’occupation humaine qui n’est pas totale ni spécifique de ce milieu). Il vaudrait mieux, avec Jean Dresch, parler de régions arides. Ici, en effet, le bilan hydrique est fortement et presque constamment déficitaire. Du régime pluviométrique, le plus significatif est moins la faiblesse des moyennes annuelles (moins de 100 mm par an) que la totale irrégularité des précipitations. Sauf dans quelques secteurs hyperarides (désert de Libye, Tanezrouft), la végétation n’est pas totalement absente, mais très rare et discontinue; les déserts de pierre (hammadas, regs), où l’eau peut difficilement être retenue, sont plus hostiles que les déserts de sable (ergs) où le sable peut recéler des nappes phréatiques. La vie n’est pourtant nulle part absente, puisqu’on a pu compter jusqu’à 10 000 bactéries et 3 300 champignons par gramme de sol sur reg à In Guezzam (Sahara central).

L’adaptation des végétaux s’effectue par divers moyens: développement vertical ou horizontal de l’appareil radiculaire à la recherche de la moindre parcelle d’humidité, protection ou réduction des organes d’évaporation (épines au lieu de feuilles, succulence). Une végétation spécifique occupe les sols salins. Sur la côte atlantique, qui bénéficie d’une plus grande humidité atmosphérique et de « précipitations occultes» (rosées), la végétation est plus abondante et peut passer à la steppe, voire à la brousse arbustive.

Certaines plantes annuelles ou vivaces peuvent rester en sommeil (graines ou appareil souterrain) pendant plusieurs années et accomplir en un temps très bref leur cycle végétatif à la première averse. L’acheb – le pâturage temporaire – se reconstitue pour un temps limité. La faune doit pouvoir se contenter de boire à intervalles espacés ou d’emprunter l’eau dont elle a besoin à la végétation (plantes succulentes notamment).

Les franges méditerranéennes

Les franges méditerranéennes bordent le continent à l’extrême nord et à l’extrême sud. La forêt est le climax des parties les plus arrosées, avec des variantes humides (forêts de chênes-lièges et de chênes kermès des hauteurs de la Kabylie, de la Kroumirie, des Mogods, au Maghreb), ou des variantes sèches en fonction des sols (calcaires ou siliceux), des variantes en fonction de l’altitude (la futaie de cèdres, entre 1 300 et 2 500 mètres, est une formation relique, héritée d’un climat plus froid, aujourd’hui en voie de disparition).

De cette forêt, il ne subsiste plus que des vestiges: elle a été largement détruite par l’intervention humaine (feux allumés par les bergers pour favoriser la poussée d’herbe fraîche, cultures, exploitation abusive). La forêt dégradée fait place à des formations secondaires: maquis sur les sols siliceux (province du Cap), garrigue, ouverte et discontinue, sur les sols calcaires (les plus fréquents en Afrique du Nord).

Il est possible que la brousse à base d’oléastre (olivier sauvage) et de lentisque (Oleolentiscetum ) des plaines et vallées humides du Tell soit climacique: elle a été en grande partie défrichée. En Oranie et dans les régions voisines du Maroc domine la brousse à palmiers nains et scilles. Dans les plaines plus sèches de l’intérieur, recevant moins de 500 millimètres de pluies, apparaît la brousse à jujubiers, naguère utilisée comme pâturage d’été par les nomades et en partie défrichée par les colons pour la culture en dry-farming .

Au-dessous de 300 millimètres de pluie par an, forêt et brousse font place à la steppe méditerranéenne: alfa sur les calcaires, armoise et sparte sur les sols argileux, drinn sur les sols sableux, autres espèces spécifiques sur les sols salins. La steppe nord-africaine, comme le veld correspondant sud-africain, a été très dégradée par le surpâturage.

2. Géographie humaine et économique

Données humaines

C’est apparemment dans les savanes de l’Afrique de l’Est que s’est détaché de la souche des grands singes anthropomorphes, il y a de 6 à 7 M.A., le rameau hominien, caractérisé par la station érigée et la marche bipède. Toutes les séquences ultérieures jusqu’à l’Homo sapiens , ainsi que les industries correspondantes, y ont été trouvées. C’est en Afrique que naît et se développe la plus ancienne civilisation historique connue, celle de l’Égypte pharaonique.

Types physiques et ethnies

L’Afrique au sud du Sahara est peuplée de Noirs. Le terme d’Africain est souvent employé au sens de Noir d’Afrique (Noir, comme nègre, a pris une connotation péjorative ou ressentie comme telle). L’Afrique est souvent désignée comme le continent noir.

Les peuples noirs, avec les Israélites, ont été parmi les victimes majeures du racisme: celui-ci consiste à associer des traits culturels, réels (civilisation, langue, religion) ou allégués, et des caractéristiques physiques, présentés comme indissociables, les premiers – y compris le statut social – découlant «naturellement» des secondes. En bref, il s’agissait de justifier des exclusives ou un statut (pour les Noirs: l’esclavage, puis le statut colonial) par une prétendue infériorité de nature.

Jusqu’au début des années 1970, on pouvait, tout en rejetant les aberrations du racisme, admettre l’existence de races humaines définies par des caractères physiques, notamment la couleur de la peau, encore que, depuis Darwin, on ait constaté la difficulté qu’il y avait à en donner une définition précise et une répartition satisfaisante.

À l’époque contemporaine, les progrès de la science, notamment de l’hématologie et de l’immunologie (Jean Dausset, Jacques Ruffié), ont conduit les spécialistes de ce domaine à conclure que l’expression de races humaines n’est pas scientifiquement acceptable et doit être proscrite. Les grands traits somatiques à partir desquels on avait divisé l’humanité en races ne représentent qu’un début de spécialisation qui s’est interrompu avant d’arriver à son terme. Il n’y a qu’une race humaine.

Cela étant précisé, cinq grands types physiques sont identifiables sur le continent africain: pygmoïdes, bushmanoïdes, négroïdes, caucasoïdes et mongoloïdes.

Les Pygmées sont caractérisés par leur petite taille (1,45 m au maximum) et certains traits physiques (nez très large à la base et aplati, teint jaune-brun). Ils occupaient jadis probablement des espaces beaucoup plus étendus; restés chasseurs-cueilleurs, ils ont été refoulés par les agriculteurs bantous dans certaines zones de forêt équatoriale où leur nombre n’atteint pas deux cent mille à l’époque contemporaine.

Les Bushmanoïdes ou Khoi-San sont encore moins nombreux: quelques dizaines de milliers au plus. Les termes européens qui en désignent les deux groupes constitutifs – Bushmen, ou Boschimans, et Hottentots – sont aujourd’hui généralement remplacés par le terme Khoi-San qui associe les noms qu’ils se donnent eux-mêmes, dans leur propre langue (Hottentots = Khoi-Khoi; Bushmen = San). Autrefois largement répandus au sud du 10e parallèle sud, chasseurs et éleveurs, ils ont été refoulés, d’abord par les agriculteurs bantous, puis par les colons européens, dans les parties les plus inhospitalières du Kalahari et du Namib, où ils ont su déployer une grande ingéniosité dans les techniques de survie. Ils sont souvent largement métissés. Les types les plus «purs» présentent des caractéristiques physiques particulières: petite taille, peau brune, cheveux noirs crépus implantés en «grains de poivre», stéatopygie féminine.

Les Négroïdes ou Noirs occupent l’essentiel du continent au sud du Sahara. Ils ont la peau fortement pigmentée, d’une teinte qui peut varier du brun clair au noir, peau mince et fortement vascularisée (fonctionnement plus efficace du système sudoripare). La platyrhinie (nez épaté) et le prognathisme (avancée de la mâchoire par rapport au reste de la face) se rencontrent assez fréquemment mais n’ont nullement un caractère de généralité (ils procèdent largement de l’imaginaire raciste, comme le «nez crochu» des Juifs).

Parmi eux, on distingue des variantes – naguère qualifiées de sous-races – qui sont légèrement prépondérantes dans certaines aires, sans qu’elles y soient la règle absolue. Le type sud -africain (sud du Zaïre) est caractérisé par une stature assez élevée et un teint relativement clair; le type congolais (forêt équatoriale) est au contraire caractérisé par une stature plus réduite, des membres courts et musclés, un prognathisme plus fréquent; le type guinéen ou sylvestre, typique de la zone forestière littorale qui s’étend du Cameroun à la Guinée, en est proche; le type soudanien ou campestre, qui occupe la zone des savanes boréales, du Sénégal au Kordofan, se caractérise au contraire par une taille élevée; le type éthiopien, qu’on trouve sur les hauts plateaux de l’Abyssinie, mais aussi chez les Peuls nomades de l’Afrique de l’Ouest, se définit par une taille élancée et un faciès proche de celui des caucasoïdes; le type nilotique (haut bassin du Nil) s’en rapproche, avec une plus forte pigmentation et une stature encore plus élancée.

Les Caucasoïdes ou Blancs qui occupent l’Afrique du Nord (Maghreb, Libye, Égypte, Sahara occidental et central) sont de type méditerranéen prépondérant (comme l’ensemble des populations qui occupent les autres rives de la Méditerranée, en Asie et en Europe). Ils sont parfois mêlés à des éléments négroïdes, notamment au Sahara où les agriculteurs sédentaires des oasis sont des Noirs, dans les parties méridionales du Maghreb et en haute Égypte.

On trouve enfin des éléments mongoloïdes à Madagascar, dont le peuplement initial a été réalisé par des migrants venus de l’Indonésie à une époque reculée (avant l’introduction du bouddhisme en Indonésie) et qui ont apporté la langue malgache, apparentée au malais. Ce type se rencontre surtout sur le plateau Merina; sur les côtes, le peuplement est majoritairement d’origine africaine et négroïde.

Il convient de ne pas confondre ou mélanger ces données relatives aux types physiques avec les données d’ordre linguistique ou ethniques, même s’il arrive qu’elles se recouvrent partiellement. Il n’y a ni race bantoue (le bantou étant un groupe linguistique) ni race hamite ou chamite, ce terme désignant un ensemble linguistique regroupé avec les langues sémitiques sous le vocable de langues chamito-sémitiques, ou afro-asiatiques: cette famille englobe le haoussa, parlé par des Noirs.

Depuis les travaux de J. H. Greenberg (1963), on admet que la plupart des langues parlées au sud du Sahara appartiennent à un même groupe (kongo-kordofanien); un deuxième groupe, dit nilo-saharien, plus hétérogène, réunit le sonrhaï, le téda, et diverses langues parlées dans le bassin du Chari et dans celui du haut Nil. Les langues à «clicks» (claquements de la cavité buccale) parlées par les Khoi-San et quelques groupes isolés d’Afrique orientale constitueraient une autre famille linguistique. Enfin, les langues parlées dans l’Afrique du Nord, le Sahara et le pays haoussa appartenant à l’ensemble jadis appelé hamitique (langues berbères, égyptien ancien, langues couchitiques de l’Afrique de l’Est) ont été partiellement supplantées par des langues sémitiques venues d’Asie, essentiellement l’arabe, accessoirement l’amhara et le tigrigna parlés en Éthiopie.

À cela il faudrait ajouter les langues européennes (anglais, français, espagnol, portugais, néerlandais) importées par la colonisation et qui, en dehors des populations de colons immigrés, restent largement utilisées comme langues de communication, d’administration et d’enseignement.

Comme partout dans le monde, les religions initiales, locales, étaient des animismes (terme controversé, mais consacré par l’usage): culte des ancêtres (de la famille, du clan); culte des divinités du sol, de l’eau, de la brousse, dont dépend le succès des activités humaines (agriculture, pêche, chasse). Elles répondaient aux conditions d’existence de sociétés morcelées et repliées sur elles-mêmes. Le développement des échanges marchands, brisant les particularismes locaux, ouvrant la voie à la constitution des grands États, devait créer les conditions favorables à l’expansion de religions universalistes et monothéistes.

L’Afrique du Nord romaine avait été gagnée au christianisme dans le cadre de l’Empire finissant; par la vallée du Nil, le christianisme avait gagné l’Éthiopie au IVe siècle et la Nubie au VIe siècle, sous la forme de l’hérésie monophysite, qui était chez les chrétiens d’Afrique une manière d’exprimer leur opposition au pouvoir oppressif impérial, associé à l’orthodoxie. Avec le christianisme s’introduisit le judaïsme, dont témoignent les Falachas de la région du lac Tana en Éthiopie. La conquête arabe introduisit l’islam dans l’Afrique du Nord et le Sahara, jusque sur les marges du Sahel, ainsi que sur les rives de l’océan Indien. Tandis que le christianisme disparaissait du Maghreb, le judaïsme y survivait, revivifié au XVIe siècle par l’arrivée des juifs expulsés d’Espagne. Le christianisme ne survécut, désormais minoritaire, qu’en Égypte (6 millions de coptes) et, majoritaire, sur les hauts plateaux, en Éthiopie (comme Église officielle), tandis qu’en Nubie il était balayé par l’islam du XIVe au XVIe siècle.

Le christianisme, dans ses versions européennes (catholique et protestante), réapparaîtra surtout à partir du XIXe siècle avec la colonisation: il n’aura quelque succès que chez les populations animistes d’Afrique centrale et australe, jamais là où il se trouvait en concurrence avec l’islam. Paradoxalement, l’islam sera le grand bénéficiaire de la conquête coloniale et gagnera plus de terrain en un siècle que dans les dix siècles antérieurs, conquérant par exemple en Afrique occidentale toute la zone des savanes et atteignant en certains points la mer: le développement du commerce, des migrations, qui brisent les particularismes locaux, la recherche d’un refuge spirituel face à la crise des sociétés et valeurs traditionnelles expliquent ce succès, qui se poursuit en étendue et en profondeur (développement de l’intégrisme).

Il est difficile de donner une évaluation chiffrée de la répartition religieuse de la population africaine. Au début des années 1960, pour 300 millions d’habitants, on pouvait estimer le nombre des musulmans à 90 millions (30 p. 100), celui des chrétiens à 60 millions (20 p. 100), celui des animistes à 150 millions (50 p. 100). En 1985, les proportions auraient été les suivantes (pour 553 millions d’habitants): musulmans: 250 millions (45 p. 100); chrétiens: 130 millions (23 p. 100); animistes: 173 millions (31 p. 100).

Groupes ethniques et groupes linguistiques se recouvrent souvent, mais pas toujours. L’ethnie se définit par un ensemble de traits culturels, dont la langue est une des composantes. Elle se réfère souvent à un ancêtre fondateur, mais l’enquête montre presque toujours que cette référence est mythique et que les ethnies en apparence les plus homogènes sont en réalité composites dans leurs origines et leur formation.

Dans certains cas, la notion d’ethnie recoupe celle de catégorie socio-professionnelle, sinon de caste: il en est ainsi des Somono et Bozo pêcheurs des rives du Niger, au Mali; le Dioula en Afrique de l’Ouest est d’origine malinké (ou soninké, mais parlant un dialecte malinké); il se caractérise par l’exercice du commerce itinérant, lié à la profession de foi islamique.

Dans les ethnies des royaumes interlacustres (notamment Rwanda et Burundi), s’il y a unité linguistique (au profit des langues bantoues), il y a coexistence et superposition de groupes humains d’origine différente et de statut hiérarchisé: aristocratie des Tutsi, paysannerie Hutu, Twa, d’origine pygmée, chasseurs et serviteurs. Ethnies? Castes?

En Guinée maritime, l’ethnie soussou (ou sosso), signalée sous son nom par les Portugais dès la seconde moitié du XVe siècle, a progressivement assimilé de nombreuses ethnies locales. Dans beaucoup d’anciens villages baga, les jeunes disent: «Nos pères étaient baga, nous, nous sommes soussou.» Dans l’île de Matacong, ancienne base négrière au XIXe siècle, la population est d’origine composite (Peuls, Malinké, Ouolof). Tous parlent aujourd’hui le soussou, portent des patronymes soussous, leur patronyme d’origine ayant été «traduit» par le patronyme soussou qui comporte le même interdit alimentaire (cet interdit, qui porte généralement sur un animal, est attaché au «clan» dont le nom sert de patronyme) et ils se considèrent comme soussous.

La plasticité réelle des ethnies n’exclut pas que celles-ci, avec le clan, le lignage, la famille étendue qui s’y inscrivent, ne représentent une référence fondamentale. C’était le cas dans la société précoloniale où tuer ou réduire en esclavage un «frère» de la même ethnie était considéré comme un crime, tandis que la chose était légitime s’il s’agissait d’un «étranger». Mais l’exclusivisme ethnique a été revivifié par la colonisation, par un dessein délibéré des colonisateurs («diviser pour régner»), mais aussi parce que devant l’effondrement des anciennes structures politiques, face à l’appareil d’oppression et d’exploitation de la colonisation, la solidarité ethnique (et, à l’intérieur, la solidarité lignagère ou familiale) joue le rôle de refuge. Les religions universalistes, certaines sectes ou confréries musulmanes (les mourides du Sénégal, par exemple) auront un rôle analogue.

Les États indépendants ont hérité de cette situation: dans la mesure où leur politique a poursuivi celle des anciennes administrations coloniales et où ils apparaissent comme au service d’intérêts étrangers ou d’étroites minorités privilégiées, les populations ne se reconnaissent pas en eux et trouvent un refuge dans l’identité ethnique ou «tribale» (terme à éviter en raison de son acception plus restreinte et de sa connotation péjorative).

Il faut ici distinguer entre des situations différentes: dans les pays de l’Afrique du Nord, une assez longue existence étatique précoloniale et une communauté de culture (islam et langue arabe) ont créé une situation où l’on peut parler de nations, même s’il subsiste des particularismes locaux à base linguistique (Berbères) ou religieuse (coptes d’Égypte). Madagascar, avec son unité historique et linguistique (et en dépit des particularismes locaux), la Somalie, avec son unité linguistique, présentent des situations voisines.

Partout ailleurs, il n’y a pas de correspondance entre l’État, inscrit dans les frontières héritées de la colonisation et déclarées intangibles par l’Organisation de l’unité africaine (O.U.A.) en 1963, et les ethnies: en dehors de la Somalie et de Madagascar, tous les États situés au sud du Sahara englobent plusieurs ethnies, souvent un grand nombre, tandis que les ethnies se trouvent partagées entre deux, trois, parfois quatre États ou plus. La nationalisme fondé sur l’identité des nouveaux États se trouve ainsi en contradiction avec le tribalisme ou le régionalisme fondés sur l’appartenance ethnique, et ce nationalisme reste superficiel, limité à une mince élite administrative.

Pourquoi l’Afrique a-t-elle été victime de cet émiettement ethnique? Les processus tendant à constituer de grands ensembles linguistiques, culturels, économiques et politiques n’ont pas été absents de l’histoire africaine; à plusieurs reprises, ce continent a vu s’édifier des foyers de civilisation analogues à ceux qui ont conduit ailleurs à la formation des nations modernes: Égypte antique, empire du Ghana fondé sur l’agriculture et la métallurgie du fer, associées au contrôle du commerce à grande distance du sel (importé du Sahara) et de l’or (exporté vers le monde musulman), relayé au XIIIe siècle par le Mali dont le modèle social et culturel (organisation sociale, civilisation, musique) a marqué tout l’Ouest africain, lui-même relayé au XVe siècle par l’Empire sonrhaï de Gao qui fut détruit à la fin du XVIe siècle par une attaque marocaine; empire du Kanem-Bornou dans le Soudan central; empire Karanga en Afrique du Sud-Ouest, dont témoignent les ruines de Zimbabwe. Mais l’apparition des Européens sur les côtes aux XVe et XVIe siècles va entraîner de profonds bouleversements sociaux et politiques. Bien qu’ils n’aient guère tenté de pénétrer à l’intérieur du continent avant la fin du XVIIIe siècle, l’Afrique va se trouver incluse dans le marché mondial en développement, mais presque uniquement, tout au moins dans sa partie sud-saharienne, à travers le commerce des esclaves, qui devient très vite la spéculation majeure, sinon exclusive. Les grands États vont faire place à une poussière de chefferies militaires, dont la puissance est fondée sur la possession d’armes à feu, et la prospérité sur la chasse aux esclaves; il en résultera un arrêt ou un freinage du développement des forces productives, une extension de l’insécurité et de l’instabilité, et c’est cette Afrique morcelée et affaiblie que trouveront les conquérants du XIXe siècle.

Démographie

Contrairement à certaines idées reçues tendant à banaliser l’esclavage africain en faisant de ce pays, dès l’Antiquité, un fournisseur privilégié d’esclaves, la contribution des populations de ce continent, et notamment des populations noires, au commerce des esclaves reste limitée jusqu’au XVIe siècle. Dans le monde antique, l’Europe ou l’Asie «barbares» fournissent l’immense majorité de la population servile; les esclaves noirs ne sont qu’une curiosité, un luxe aristocratique. Leur contribution est plus importante dans le monde musulman médiéval (les esclaves zendj, c’est-à-dire africains, se révoltèrent en Irak au IXe siècle), sans que cette contribution soit supérieure à celle que fournissent l’Europe ou l’Asie.

C’est après les grandes découvertes maritimes (XVIe et XVIIe s.) que les Portugais, après quelques tentatives d’implantation en profondeur, donnèrent la préférence au commerce des esclaves, suivis bientôt (et largement supplantés) par les Anglais, les Hollandais, les Français, et d’autres nationalités européennes. Ces esclaves noirs fournirent au Nouveau Monde une main-d’œuvre adaptée aux techniques de l’agriculture tropicale, ce que n’étaient ni la population amérindienne des Caraïbes et des pays tropicaux avoisinants (au demeurant très vite exterminée), ni les immigrants européens. Pendant trois siècles, le commerce triangulaire échangea sur les côtes d’Afrique de la pacotille de valeur médiocre (tissus, quincaillerie, alcools, tabac), objets de consommation pour les couches privilégiées, contre des esclaves, puis, aux Amériques, ces esclaves contre des produits tropicaux (sucre, indigo, tabac, plus tard coton), destinés au marché européen.

Les recherches récentes ont permis de cerner l’ordre de grandeur du transfert de la traite atlantique: du XVe au XIXe siècle, 9,6 millions de transportés selon P. D. Curtin, 15,4 millions selon G. Inikori, 11,7 selon C. Coquery-Vidrovitch dont nous retiendrons la proposition intermédiaire. Il faudrait y ajouter les chiffres de la traite saharienne (3,6 millions) et ceux de la traite orientale (par l’océan Indien), peut-être 3 millions, dont la moitié au XIXe siècle. L’ordre de grandeur serait ainsi d’une vingtaine de millions. Mais ce chiffre ne concerne que les transportés: il faudrait y ajouter les victimes indirectes, morts sur les routes conduisant aux lieux d’embarquement, morts au cours des razzias, victimes des effets de ces razzias (récoltes et réserves détruites, etc.). Il conviendrait donc, pour évaluer le déficit démographique réel, de multiplier le nombre des transportés par un coefficient, nécessairement arbitraire dans l’état de nos connaissances. Le chiffre parfois avancé de 100 millions pour mesurer cette ponction est sans doute excessif, mais un chiffre de 50 à 80 millions est plausible.

Au prélèvement arithmétique il faut ajouter l’effet de la nature de ce prélèvement (des jeunes ou adultes en pleine force de préférence, seuls appréciés par les acheteurs). Et, enfin, les effets sociaux et économiques (insécurité résultant des razzias et des guerres entre États négriers), qui ne peuvent avoir été que négatifs pour le développement des forces productives; il n’est pas évident que ces effets aient été compensés par l’introduction en Afrique des plantes cultivées américaines.

Dans ces conditions, l’hypothèse consacrée selon laquelle l’Afrique aurait conservé durant les trois siècles de la traite une population stagnante de l’ordre de 100 millions d’habitants (passant du tiers au cinquième de la population mondiale) peut être mise en question, et on peut avancer, avec A. Diop-Maes, l’hypothèse d’un recul démographique : les progrès de l’archéologie permettront sans doute de tester la validité de cette proposition.

L’impact négatif sur la démographie de la conquête et de ses suites immédiates est certain: destructions des guerres de conquête, confiscation des réserves alimentaires pour nourrir les armées et leurs auxiliaires, abus du portage et du travail forcé, amplification par les déplacements de populations des endémies locales (paludisme, trypanosomiase), effet de l’introduction de maladies nouvelles contre lesquelles les populations africaines n’étaient pas immunisées (tuberculose, syphilis, etc.). Au début du XXe siècle, la population de l’Afrique ne dépasse pas 110 à 120 millions d’habitants: la démographie est stagnante ou en recul, et dans les années 1920 un gouverneur général de l’Afrique-Occidentale française proposera comme mot d’ordre de sa politique «Faire du nègre». La stabilisation s’opère au voisinage des années 1930. C’est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que la conjoncture démographique va radicalement changer. Il ne faut pas exagérer l’impact de l’intervention médicale proprement dite: celle-ci ne concerne longtemps que les Européens (eux-mêmes durement frappés par les endémies tropicales: fièvre jaune, paludisme) et leurs auxiliaires immédiats; aujourd’hui encore, la majorité des villages africains n’ont pas de dispensaire et leurs habitants n’ont jamais vu de médecin. L’essentiel sera probablement dû aux campagnes de traitement ou de vaccination de masse (dès avant 1940 pour la trypanosomiase et la variole); le vaccin antiamaril (contre la fièvre jaune) est mis au point en 1936; après 1945, les antipaludéens de synthèse, efficaces, remplacent la quinine; l’usage du D.D.T. (1947-1950) contribue à l’assainissement.

Probablement faut-il attribuer aussi un rôle positif à la disparition du portage et des formes les plus excessives du travail forcé. L’éradication de la variole est réalisée dans les années 1960, et, au cours des années 1970 une campagne vigoureuse est menée par l’O.M.S. contre l’onchocercose (cécité des rivières). En revanche, les moyens nécessaires à la mise en œuvre d’un traitement généralisé du paludisme, ou de la bilharziose, font défaut. Depuis les années 1970, les maladies endémiques connaissent une reprise spectaculaire: le paludisme fait mourir un enfant sur cinq avant l’âge de cinq ans, et l’Afrique à elle seule regroupe 85 p. 100 des paludéens du monde, pour 12 p. 100 à peine de la population mondiale. Le choléra, disparu, a été réintroduit dans les années 1960 par des pèlerins revenus de La Mecque et est désormais endémique. La fièvre jaune réapparaît régulièrement et fait des ravages dans la population non vaccinée.

Nouveau fléau, le sida, dont l’Afrique est le principal foyer (8 sidéens sur 10 sont africains), frappe également les deux sexes, avec deux types de virus, dont un spécifique à l’Afrique de l’Ouest. L’Afrique de l’Est est la plus touchée: du Congo à la Tanzanie, on compte de 5 à 20 p. 100 de séropositifs, surtout dans les grandes villes et sur les axes de circulation, et jusqu’à 80 p. 100 chez les prostituées. Le manque de moyens fait obstacle à toute action sérieuse contre le sida, tant dans le domaine de la prévention que dans celui des soins.

Jusque vers les années 1930, le taux de natalité, très élevé, était équilibré par un taux de mortalité non moins élevé, la mortalité infantile étant particulièrement sévère, en raison notamment de la brutalité du sevrage chez beaucoup de populations africaines (passage brutal, vers 4-5 ans, de l’allaitement maternel à la nourriture des adultes). Pour huit à dix naissances chez une femme normalement féconde, un ou deux enfants seulement parvenaient à l’âge adulte. Au cours des trente dernières années, on a enregistré une augmentation du taux de natalité, déjà très élevé, mais surtout une réduction spectaculaire du taux de mortalité, même s’il reste très supérieur à la moyenne des autres continents.

Le taux moyen de natalité pour les années 1985-1990 est de 45 p. 1 000 (moyenne mondiale: 27). Sept pays seulement ont un taux de natalité inférieur à 40. Le taux moyen de mortalité est de 15 p. 1 000. Il est encore supérieur à 21 p. 1 000 dans quatre pays (Éthiopie, Sierra Leone, Gambie, Guinée); il n’est que de 9,1 p. 1 000 en Algérie et en Égypte, et inférieur à 9 dans quatre autres pays (Tunisie, Réunion, Maurice, Seychelles). Il en résulte que le taux d’accroissement naturel de la population est passé de 25 p. 1 000 dans les années 1960 à plus de 30 p. 1 000 (3 p. 100 par an) dans les années 1985-1990.

De quelque 140 millions vers 1930, la population de l’Afrique passe à 222 millions en 1950, à 277 en 1960, à 470 en 1980, à 640 en 1990, soit de 4,6 habitants au kilomètre carré en 1930 à 21,2 en 1990. Cette densité moyenne peut paraître très modérée, mais il faut tenir compte de l’espace occupé par les déserts. Dans les parties utiles, la population reste très inégalement répartie, pour une part en raison du milieu (faible densité des régions arides, ou des forêts équatoriales du bassin du Congo; plus forte densité des régions côtières humides: littoral du golfe de Guinée, Afrique orientale côtière, Tell algérien), mais aussi, et plus peut-être, pour des raisons historiques: dans les zones de savanes, le pays mossi, les plateaux du Fouta-Djalon en Afrique de l’Ouest, les hauts plateaux de l’Éthiopie, le Rwanda et le Burundi en Afrique de l’Est ont des densités exceptionnelles: 270 habitants au kilomètre carré au Rwanda (1991), notablement plus si l’on tient compte de la superficie utile. Le record est atteint dans la vallée inférieure et le delta du Nil où l’agriculture irriguée a permis d’atteindre des densités comparables à celles des deltas tropicaux d’Asie.

L’Afrique précoloniale avait connu d’incessantes migrations: on peut évoquer celle des pasteurs peuls, probablement originaires du Haut-Nil, et qui auraient traversé le Sahara d’est en ouest à l’époque où il était encore humide: les figurations rupestres sahariennes des pasteurs à bovidés présentent des similitudes frappantes dans leurs représentations (types physiques, coiffures, huttes hémisphériques) avec les Peuls contemporains. Du Hodh (Mauritanie), où nous les trouvons au XVe siècle, ils vont se répandre d’ouest en est dans les steppes et les savanes, créant à partir du XVIIIe siècle des États théocratiques musulmans, pour atteindre au XIXe siècle le Ouadaï. De plus grande ampleur encore fut la migration bantoue, si c’est aux populations parlant les langues de cette famille que l’on doit la diffusion du fer et d’une céramique originale, associée à l’agriculture et à l’élevage bovin, à partir d’une zone de départ localisée au sud du confluent Niger-Bénoué et au sud du Tchad et qui, à partir de la seconde moitié du Ier millénaire avant notre ère, va déferler sur toute la partie centrale et méridionale de l’Afrique. L’identification des populations de langue bantoue avec cette civilisation matérielle reconnue par l’archéologie n’est pas une certitude absolue, mais elle est très probable.

Ces migrations, souvent guerrières et conquérantes, ont été stoppées par la colonisation. Elles ont fait place à des migrations économiques, non moins importantes. Elles furent souvent au départ des migrations saisonnières: en Afrique du Nord ou en Afrique australe, autochtones refoulés dans les régions montagneuses les plus pauvres (en Afrique australe, les réserves indigènes – aujourd’hui homelands ) se rendant dans les riches terres accaparées par les colons au moment des travaux agricoles; de même, en Afrique occidentale, jeunes gens de la zone des savanes disposant de peu de ressources monétaires et venant travailler dans les plantations de la zone côtière. Cette émigration peut durer plusieurs années et même devenir définitive: au début des années 1960, 300 000 travailleurs à l’origine saisonniers étaient établis en permanence en Ouganda, où ils constituaient 15 p. 100 de la population. En Côte d’Ivoire, la proportion des originaires du Burkina Faso, du Mali, de la Guinée, du Niger, définitivement établis, est encore plus élevée. Ces migrations définitives sont fréquentes dans les régions minières d’Afrique australe (Shaba, Zambie, Afrique du Sud): elles prennent alors l’aspect d’un exode rural vers les cités minières, puis vers les villes.

À ces migrations économiques il faut ajouter aujourd’hui les migrations dues aux famines, aux guerres locales, souvent aux deux à la fois. Le nombre des réfugiés, établis hors de leur pays d’origine, est évalué à 5,8 millions (27,7 p. 100 des réfugiés du monde).

L’Afrique connaissait la vie urbaine bien avant l’arrivée des Européens. En Afrique du Nord, la plupart des grandes cités de l’Antiquité, sauf Alexandrie, furent éclipsées par des centres urbains nouveaux, nés de la conquête musulmane, centres politiques, religieux et commerciaux (Le Caire, Kairouan, Tunis, Fès). Des villes de même type apparurent avec l’islam dans le Sahel, centres politiques et marchés: Tombouctou, Djenné, Gao, Kano; puis, plus au sud, au contact de la forêt et de la savane: Kankan, Kong. Sur la côte orientale, le trafic maritime avec les marchands arabes et persans avait fait surgir une série de ports, souvent installés sur des îles ou îlots du littoral: Mogadiscio, Malindi, Mombassa, Zanzibar, Kilwa, bien avant l’arrivée des Portugais qui y supplantèrent quelque temps les Arabes, avant d’en être chassés à leur tour.

En dehors de l’influence musulmane, un type de vie urbaine était apparu chez certains peuples comme les Yorouba dans le sud-ouest du Nigeria: leurs cités-États étaient caractérisées par la présence, sur le territoire de chaque entité politique, d’une enceinte fortifiée abritant le palais du souverain, les temples, un marché, et une nombreuse population d’agriculteurs ayant leurs terres de culture à l’extérieur des murs, souvent à une distance considérable. Ainsi, dès la fin du XIXe siècle, cette région comptait des villes de plus de 100 000 habitants (Abeokouta, Ibadan).

La colonisation européenne devait ouvrir une nouvelle phase d’urbanisation. La mise en place d’une infrastructure administrative de plus en plus lourde et complexe, le développement de l’économie marchande dominée par les échanges extérieurs entraînaient l’apparition et le développement d’un nouveau type de villes: quartiers administratifs et résidentiels (pour Européens), quartiers commerçants liés au port ou à la gare de chemin de fer, banlieues ou villages-dortoirs pour la population autochtone. D’anciennes villes se transformèrent par l’adjonction de quartiers européens aux noyaux anciens (Ibadan, Kano, Antananarivo, Alger, Tunis). En revanche, certaines villes précoloniales dépérirent (Tombouctou, Djenné) ou disparurent (Kong). Enfin, des villes coloniales créées de toutes pièces s’élevèrent, principalement sur les côtes (Casablanca, Dakar, Lagos, Le Cap). Beaucoup de ces villes coloniales (capitales-ports) n’eurent avant les années 1930 qu’une population limitée (encadrement européen et personnel africain à son service). C’est à la veille de la Seconde Guerre mondiale, et surtout immédiatement après, que la croissance urbaine s’accélère (tabl. 1).

Cette croissance concerne au premier chef les capitales (ou les ports lorsque la capitale est dans l’intérieur). Les villes secondaires connaissent aussi une croissance rapide, mais sans rapport avec le rythme des précédentes; en Guinée, Kankan comptait de 10 000 à 15 000 habitants au début du siècle contre 5 000 à 8 000 pour la capitale, Conakry; en 1983, elle avait au plus 100 000 habitants contre 700 000 pour la capitale. Toutefois, au cours des années 1980, la tendance s’est inversée: croissance ralentie des mégalopoles, croissance rapide et non prévue des centres secondaires.

À la différence de l’urbanisation européenne des XIXe et XXe siècles, cette croissance urbaine n’est pas associée à un développement à la même échelle des fonctions économiques, industrielles et commerciales notamment.

Aux premiers immigrants recrutés par la colonisation comme gens de maison, ouvriers, manœuvres, fonctionnaires, éventuellement petits commerçants, a succédé le flot d’un exode rural massif sans création d’emplois correspondants; d’où une masse de chômeurs permanents qui, avant la crise et le début des années 1970, était de l’ordre de 30 p. 100 des actifs et qui, au milieu des années 1980, avoisinait et dépassait souvent 50 p. 100. Une partie de ces migrants survit par le microcommerce et les activités dites informelles, c’est-à-dire non enregistrées et échappant aux statistiques. Sur les espaces vacants des agglomérations (et surtout des banlieues) se développe une agriculture urbaine qui aide à la survie. Autour d’un centre-ville dont les buildings ne le cèdent en rien, par le luxe, à ceux des pays développés, de quartiers résidentiels de luxe (villas et jardins), de quartiers de style H.L.M. pour classes moyennes, les villages-dortoirs de l’époque coloniale ont souvent cédé la place à d’immenses bidonvilles aux cabanes de tôle, de planches, de paille ou de carton, sans eau, sans égouts, sans éclairage, sans voierie organisée, où s’entasse une population famélique et où l’insécurité règne en permanence. De 15 p. 100 au début des années 1960, le taux de population urbaine est passé à 22 p. 100 en 1970 et à environ 30 p. 100 en 1985. Si la tendance se maintient, la population urbaine sera majoritaire à la fin du siècle, comme elle l’est déjà dans beaucoup de pays du Tiers Monde.

Données économiques

La distinction classique, dans les pays du Tiers Monde, entre une économie traditionnelle et une économie moderne (c’est-à-dire monétaire et capitaliste), représentant des secteurs distincts, mérite discussion. Sur le plan descriptif, elle est commode: en profondeur, elle est fausse, car l’économie traditionnelle est depuis longtemps incorporée, directement ou indirectement, au marché mondial et à l’économie moderne.

Dès l’époque de la traite, les sociétés africaines et leurs économies traditionnelles ont été perturbées, modifiées, mais plus fortement encore avec la conquête coloniale; elles ont cependant longtemps résisté et persisté, en s’adaptant. La crise contemporaine a marqué une accélération de leur érosion, débouchant parfois sur leur destruction.

L’économie traditionnelle

Les économies et sociétés héritées de l’Afrique précoloniale étaient, à quelques exceptions près, fondées sur la pratique de l’agriculture et/ou de l’élevage, dans le cadre de familles étendues (réunissant plusieurs familles conjugales), elles-mêmes souvent regroupées en unités villageoises. Ces familles et ces villages constituaient partout la base de l’économie et de la société, qu’ils vécussent en unités indépendantes, ou qu’ils fussent incorporés à des constructions étatiques plus ou moins stables, qu’ils fussent traversés ou non par des courants de grand commerce interrégional ou international.

La cueillette, la chasse et la pêche sont ou étaient pratiquées à des degrés divers par toutes les populations qui pouvaient y trouver un complément de ressources. Seules certaines ethnies résiduelles (Pygmées de la forêt équatoriale, Bushmen ou San du Kalahari) tiraient encore exclusivement leurs ressources de la cueillette et de la chasse. Encore les Pygmées vivent-ils en rapports d’échange avec les cultivateurs bantous du voisinage (viande de chasse contre mil ou manioc), rapports qui se traduisent socialement par une dépendance à leur égard qu’on peut traduire en termes de clientèle sinon de servage. La pêche, souvent pratiquée par les femmes et les enfants, peut être une occupation occasionnelle et saisonnière. Elle est parfois le fait de populations spécialisées, pratiquant des échanges avec les populations agricoles voisines (Somono et Bozo de la vallée du Niger). Le poisson fumé ou séché peut s’échanger sur de longues distances (poisson du Niger échangé contre les colas de la Côte d’Ivoire forestière).

L’agriculture africaine relève de plusieurs complexes culturels, répondant à la fois à des héritages culturels et aux conditions du milieu.

L’agriculture de l’Afrique du Nord est une agriculture méditerranéenne: usage de l’araire, tiré par un bœuf, un âne, voire un chameau, ce qui suppose une association plus ou moins étroite de l’élevage à l’agriculture; la céréale majeure est le blé, associé à l’olivier, à la vigne (plus ou moins limitée par l’islam), au figuier; l’orge et le palmier dattier sont les ressources majeures des oasis. La vallée du Nil, grâce à l’irrigation, associe aux cultures méditerranéennes (blé, pois, oignons) le maïs et certaines cultures d’origine tropicale (riz, canne à sucre, coton). L’Éthiopie doit au monde méditerranéen l’usage de l’araire, mais elle fut elle-même un foyer original de différenciation d’espèces cultivées: à côté de céréales méditerranéennes (blé, orge) ou tropicales (sorgho, riz, maïs), la céréale locale prédominante est le tef (Eragrostis abyssinica ), aux grains minuscules non panifiables, consommé en galettes qui constituent la base de l’alimentation. Dans le Sud (Sidamo), la base alimentaire est fournie par le bananier de la variété Ensete (on consomme non le fruit, mais la pulpe extraite des nervures des feuilles). Le café est probablement originaire des hauts plateaux, à moins qu’il ne provienne du Yémen voisin.

L’agriculture de l’Afrique tropicale repose techniquement sur l’emploi exclusif d’un outil manuel, la houe (la daba de l’Ouest africain), qui se compose d’un manche de bois et d’une lame de fer, pouvant revêtir les formes les plus diverses suivant les traditions ethniques, la nature des sols et celle des cultures: manche court ou long, lame propre à retourner la terre comme le kayendo des Diola, ou à sarcler légèrement, comme l’ilèr des Ouolof. Madagascar révèle son origine indonésienne en étant fidèle à l’angady , sorte de bêche qu’un élan des deux bras plante dans le sol.

C’est le feu qui est utilisé comme moyen principal de défrichement. En fin de saison sèche, le paysan débroussaille à la machette (sabre d’abattis), abat les arbres à la hache, incise les plus gros, après quoi l’incendie consume bois et broussailles. Le sol, enrichi de cendres, remué à la houe, est prêt à recevoir la semence. Sa fertilité s’épuise après quelques récoltes: ce mode de culture suppose donc de longues jachères (jusqu’à 10 ou 15 ans) et une rotation des terres cultivées; il faut ainsi disposer d’un vaste terroir, dont seule une minime fraction est en culture. L’introduction des cultures d’exportation, qui s’ajoutent aux cultures vivrières traditionnelles, l’augmentation de la population ont conduit en maints endroits à une réduction dangereuse de la durée des jachères, d’où résultent baisse des rendements et détérioration des sols.

Le paysage agraire est confus, irrégulier: la houe n’implique pas, comme la charrue, des limites géométriques de parcelles; les limites des parcelles cultivées sont irrégulières, en fonction des accidents de terrain; en dehors des souches, qui ne sont pas éliminées et qui souvent donnent des rejets, les arbres utiles: karité (Butyrospermum parkii ) aux fruits oléagineux, néré (Parkia biglobosa ), kadd (Acacia albida ) dont la feuillaison survient à contretemps, en saison sèche, et est alors une précieuse source de fourrage, palmier à huile (Elaeis guineensis ), etc., sont respectés et subsistent au milieu des champs.

Deux grands types de culture sont à distinguer en fonction du climat et du milieu naturel. En climat tropical à saisons contrastées, l’agriculture repose principalement sur la culture annuelle des céréales, dont le cycle végétatif correspond à la saison des pluies: seule exception, les vallées des grands fleuves dont l’inondation accompagne la saison des pluies avec un certain décalage, et qui sont cultivées en contre-saison, après le retrait de la crue (Sénégal, Niger). Les principales céréales cultivées sont autochtones; c’est le cas du petit mil ou mil pénicillaire (Pennisetum ) et du sorgho (Sorghum ) qui se sont différenciés à partir de deux foyers, ouest-africain et est-africain, d’où ils sont passés en Asie (et non l’inverse comme on l’a cru d’abord); c’est le cas du fonio (Digitaria exilis ); c’est le cas enfin du riz africain (Oryza glaberrima , différent du riz asiatique, Oryza sativa ) comportant comme lui des variétés de culture pluviale, improprement dites riz de montagne, et des variétés de culture inondée; son foyer de différenciation serait la vallée moyenne du Niger. L’éleusine (Eleusina coracana ), cultivée en Afrique de l’Est, semble en revanche d’origine asiatique. Madagascar a importé les variétés de riz et les techniques rizicoles asiatiques (rizières irriguées avec parfois deux récoltes par an autour d’Antananarivo et du lac Alaotra; rizières à flanc de colline, en terrasses, chez les Betsileo).

Les méthodes d’agriculture intensive avec emploi de fumure et culture continue ne sont pas ignorées; elles sont pratiquées dans les jardins de case, petites parcelles closes avoisinant les habitations, domaine des femmes, qui y produisent les légumes et condiments, ingrédients des sauces qui, avec (rarement) de la viande ou du poisson, accompagnent la nourriture de base, céréales ou féculents. Elles ont été généralisées par des populations refoulées sur des espaces restreints: montagnards du Nord-Cameroun, de l’Atakora (Kabyè, Somba); Coniagui de la frontière sénégalo-guinéenne; mais, dès que la sécurité leur permet de disposer des espaces suffisants, elles reviennent aux méthodes extensives, qui sont d’un meilleur rendement eu égard au travail exigé.

Le second type de culture (qui ressemble à celui qui est pratiqué dans les jardins de case) est celui des régions de climat tropical humide ou équatorial, à saison sèche absente ou réduite. Le défrichement est ici beaucoup plus difficile et précaire: les grands arbres de la forêt sont difficiles à éliminer, l’écobuage est peu efficace, la reprise par la végétation spontanée toujours menaçante. Si la culture du riz pluvial est parfois pratiquée, ici, en général les céréales font place à des cultures dites de plantation, pérennes ou continues: arbustives (bananiers – banane-plantain, dont le fruit farineux est consommé cuit –, palmier à huile, colatier) et surtout tubercules et rhizomes (ignames, taros, manioc). Certaines de ces plantes cultivées sont d’origine africaine: certaines ignames, le palmier à huile, le colatier, le pois de terre ou voandzou (Voandzeia subterranea ); en revanche, le bananier, la grande igname (Dioscorea alata ), le taro (Colocasia esculenta ) sont d’origine asiatique. L’agriculture est ici généralement incompatible avec l’élevage du gros bétail, moins en raison de la trypanosomiase (certaines variétés de bovins y résistent) qu’en raison de la déficience de la strate herbacée qui conduit immanquablement les bovins à se diriger vers les parcelles cultivées, ce qui leur vaut d’être abattus par les agriculteurs. C’est la source du déficit en viande des zones forestières.

À partir du XVIe siècle, l’Afrique a adopté de nombreuses plantes cultivées d’origine américaine: celles-ci ont souvent relayé des espèces locales moins productives ou plus exigeantes (ainsi, l’arachide s’est substituée au voandzou, le manioc à l’igname) et la substitution a souvent été tardive: le manioc n’a remplacé l’igname, dans maintes régions d’Afrique, qu’après la conquête coloniale. Beaucoup de ces cultures nouvelles (maïs, haricot, tomate, patate douce, courge, tabac) sont restées des cultures de case pratiquées dans les jardins féminins.

L’organisation des cultures et l’utilisation du terroir sont du ressort du chef de terre villageois (qui est souvent aussi, mais pas toujours, le chef politique). Ses attributions sont à la fois techniques (déterminer la rotation des terres à cultiver), sociales (attribuer aux nouveaux venus, acceptés par la communauté, les terres où s’établir et à cultiver), religieuses (assurer les rites et cérémonies agraires qui maintiennent l’alliance des divinités du sol avec les hommes et garantissent le succès des récoltes). Sous son autorité, la division du travail est assurée, en premier lieu selon les sexes: le travail de défrichement est en règle générale l’affaire des hommes, les cultures de case celle des femmes. En forêt, où la culture de plantation ressemble à celle de case qui ici est absente, c’est souvent la femme qui a à sa charge la totalité du travail agricole, défrichement exclu.

Au sein de la communauté villageoise, les générations sont très souvent regroupées en classes d’âge, associations initiatiques qui ont une fonction religieuse et une fonction sociale: les jeunes y jouent le rôle de groupes d’entraide pour les gros travaux.

C’est du Moyen-Orient, accessoirement de l’Asie du Sud, que sont venus les animaux domestiques connus en Afrique. Ils s’y sont répandus au Néolithique, à partir de l’Égypte, plus tardivement pour le dromadaire, introduit seulement à la fin de l’Antiquité. Les gallinacés, le mouton, la chèvre se sont répandus à peu près partout, intégrés à l’économie domestique. Le porc, dont la consommation est frappée d’interdit par l’islam, ne se rencontre que chez un petit nombre de peuples (Nuba du Nil moyen, Malgaches, certaines ethnies forestières). Le cheval et l’âne, de l’Afrique du Nord, ont gagné le Sahel, mais ne résistent pas aux conditions climatiques des tropiques pluvieux. Le bœuf constitue l’essentiel du troupeau africain. Il appartient à deux espèces, le bœuf méditerranéen, largement répandu dans le nord de l’Afrique et la zone soudanienne; le bœuf zébu, d’origine asiatique, introduit plus de 2 000 ans avant notre ère en Égypte et en Afrique orientale. La trypanosomiase, qui sévit surtout dans les savanes humides, gêne son expansion vers les zones à forte pluviosité, sans être un obstacle absolu.

L’élevage n’est vraiment intégré à l’agriculture que dans la zone méditerranéenne ou en Éthiopie, où l’araire implique la traction animale. Ailleurs, il y a plutôt simple juxtaposition. Dans la zone des savanes, du bas Sénégal au Tchad, l’élevage est ordinairement l’affaire de spécialistes, les Peuls: ceux-ci transhument avec leurs troupeaux et ceux qui leur ont été confiés par les paysans sédentaires, avec lesquels ils vivent dans une symbiose plus ou moins conflictuelle, troquant leurs produits laitiers contre des céréales. À l’origine dépendants des sédentaires, ils se sont, depuis le XVIIIe siècle, sédentarisés eux-mêmes dans certaines régions en se subordonnant les cultivateurs, mais en restant attachés à leurs troupeaux.

Ailleurs, notamment en Afrique orientale nilotique et bantoue, l’élevage bovin est pratiqué en association avec la culture, assurant la fumure des champs et alliant dans l’alimentation les produits laitiers et la viande aux céréales.

À l’inverse, d’autres populations, essentiellement dans les zones arides, vivent presque exclusivement de l’élevage, ne cultivant ou n’échangeant leurs produits contre ceux de l’agriculture que marginalement. C’était le cas des grands nomades sahariens Maures et Touareg, Toubou, Béja du désert de Nubie, Afars, Somalis et Oromos de la corne de l’Afrique. En Afrique de l’Est, Dinka et Masaï se distinguent par la consommation de sang prélevé sur les bêtes (qui fait chez la plupart des autres peuples, et notamment chez les musulmans, l’objet d’un interdit). Dans les steppes australes, les Hereros (Bantous) ont abandonné l’agriculture pour nomadiser dans le Damara; les Hottentots (Khoi-Khoi) aussi sont exclusivement éleveurs.

L’artisanat est l’objet souvent d’une spécialisation interne au moins relative (l’artisan se consacre à son activité en morte-saison, mais cultive comme tout le monde pendant la saison agricole). Dans les sociétés ouest-africaines qui ont adopté le modèle social malinké-soninké, les gens de métier forment des castes endogames au statut dévalorisé, même si certains d’entre eux, les forgerons (plus ou moins sorciers) et les griots (musiciens, bardes et généalogistes), sont redoutés et matériellement avantagés.

L’habitat présente les formes les plus diverses, en fonction de l’organisation sociale, des matériaux disponibles et du climat. Les nomades sahariens utilisent la tente, faite de bandes tissées de laine, de poil de chameau mêlé parfois de fibres végétales voire de cuir. Les Peuls édifient des huttes hémisphériques en bois et paille, légères et aisément démontables.

Chez les sédentaires d’Afrique du Nord, la maison berbère est quadrangulaire, en pierre, couverte de tuiles canal, comme dans d’autres régions méditerranéennes. Le gourbi de terre séchée a été souvent le résultat d’une régression due à la misère à l’époque coloniale.

Les populations du Sahel utilisent souvent la maison soudanaise en banco (argile séchée) avec toit en terrasse et cour intérieure.

Dans les savanes, on trouve généralement la case aux murs cylindriques, montés en clayonnage ou en banco, surmontée d’un toit conique de chaume; la paillote en tiges de sorgho, sur le même modèle, la remplace là où l’argile fait défaut. La maison quadrangulaire tend un peu partout à se substituer à la case circulaire.

La case est en général une habitation strictement individuelle, à la rigueur occupée par la femme avec ses filles ou enfants en bas âge. L’unité d’habitation est la «concession» ou «carré», qui comprend, outre les cases, des parties communes (greniers, cuisine, espace toilettes), le tout étant fermé aux regards indiscrets par un muret de banco, une palissade, ou une «tapade» en tiges de sorgho.

Dans la forêt congolaise, l’habitat est la case quadrangulaire en clayonnage, coiffée d’une toiture à double pente en feuilles de palme. Il existe aussi des habitats familiaux compacts, propres aux populations ne vivant pas en groupements villageois: ainsi la soukkala des Sénoufo et Lobi, ou la maison «château fort » des Somba de l’Atakora: on y entre par le toit, avec une échelle. L’habitat est ici dispersé. Il est groupé là où existe la communauté villageoise, et était naguère protégé par une enceinte de banco ou de bois, aujourd’hui disparue.

L’économie moderne

Au début du XXe siècle, l’Afrique est entièrement partagée entre les puissances coloniales européennes (Liberia et Éthiopie ne constituant que des exceptions apparentes). La confiscation de la souveraineté nationale et du pouvoir politique par les puissances coloniales permet d’éliminer les obstacles à l’exploitation des colonies au bénéfice des métropoles et de leurs ressortissants. Cette exploitation prend deux formes majeures, parfois mêlées ou associées.

La première vise à une exploitation directe des ressources minières et agricoles; les unes par de grandes sociétés capitalistes (phosphates de l’Afrique du Nord, or et diamants de l’Afrique du Sud, cuivre de Rhodésie et du Katanga, le Shaba actuel); les autres moins par de grandes sociétés (elles ne joueront qu’un rôle secondaire) que par un colonat européen, là où les conditions climatiques le permettent (Afrique du Nord, Afrique australe, White Highlands du Kenya, etc.). Les meilleures terres sont attribuées aux colons, les populations autochtones refoulées sur les terres les plus stériles et dans des espaces restreints, ce qui les oblige à venir travailler, plus ou moins volontairement, sur les terres des colons.

Ailleurs, l’exploitation est indirecte, respectant en apparence l’économie traditionnelle, non sans la modifier. Elle se fait à travers le commerce, et recevra en Afrique de l’Ouest le nom d’économie de traite (mais on la retrouve en Afrique centrale, en Ouganda, dans les colonies portugaises). Le terme de traite, qui désignait le commerce des esclaves, s’applique à celui des produits du cru, généralement saisonnier.

Le développement de ce commerce se fait par divers moyens: parfois (surtout au début), la contrainte pure et simple, celle des cultures obligatoires, méthode qui n’a pas disparu (notamment pour la culture du coton). Mais l’outil majeur du développement de ce commerce est l’introduction de l’impôt (par case, puis par tête). Si le monde arabe, héritier en cette matière du monde antique, connaissait la monnaie, l’Afrique au sud du Sahara n’utilisait que divers équivalents monétaires (pièces de tissus, barres de fer ou de sel, coquillages de l’océan Indien, les cauris). Au XIXe siècle, en Afrique orientale s’était répandu le thaler de Marie-Thérèse, pièce d’argent autrichienne, frappée selon le modèle du XVIIIe siècle. La colonisation introduit l’usage des espèces métropolitaines, exigées pour l’impôt, et pour se les procurer le paysan n’a d’autre ressource que de fournir aux sociétés de commerce coloniales les produits qu’elles demandent, au prix qu’elles veulent bien consentir. Ce commerce ne laisse au paysan qu’un revenu très inférieur à celui que lui procurerait un salaire, fût-ce aux tarifs locaux, très bas. L’économie de traite fait ainsi longtemps obstacle à l’extension du salariat et à la généralisation des rapports proprement capitalistes.

Ce commerce de traite, d’abord pratiqué par les maisons de commerce de Bordeaux, de Marseille, de Liverpool, de Bristol, de Hambourg et de Rotterdam, va se concentrer dès les années 1930 entre les mains de quelques très grandes firmes, ou groupes, dont la plus représentative est l’United Africa Company, filiale du groupe anglo-hollandais Unilever (par ailleurs spécialisé, à l’échelle mondiale, dans la savonnerie et la margarinerie). Ces sociétés disposent à l’intérieur des pays africains d’un réseau de factoreries collectant les produits du cru et distribuant en échange des marchandises de traite, biens de consommation de faible valeur et de qualité médiocre: cotonnades de Manchester, quincaillerie, alcool, etc. Parfois, ces compagnies utilisent des intermédiaires, généralement étrangers à la population locale (Libano-Syriens en Afrique de l’Ouest, Grecs et Portugais en Afrique centrale, Indiens en Afrique orientale et australe). Elles disposent d’un monopole de fait du commerce extérieur, qui a été précédé dans certains cas (État indépendant du Congo, le fief du roi des Belges Léopold II; Afrique-Équatoriale française) d’un monopole de droit attribué à des «compagnies concessionnaires».

L’avantage du système était d’être économique tant pour les États colonisateurs que pour les sociétés privées, dont les investissements étaient réduits au minimum: l’inconvénient tenait au volume très modeste du commerce (compensé par l’importance des marges bénéficiaires), et à ses conséquences pour la population. Les cultures de «rente» exigées par la colonisation vont obliger les paysans, dans le cadre de leur système de culture traditionnel qu’ils n’ont pas les moyens d’améliorer sérieusement, à réduire leurs cultures vivrières, à réduire la durée des jachères, entraînant l’usure des sols. Par ailleurs, la décadence de l’artisanat traditionnel, concurrencé par la diffusion des articles industriels importés, sera rapide.

Dans ce système colonial, celui du colonat comme celui de la traite, l’Afrique achète à l’Europe des produits manufacturés et exporte des matières premières. La production minière ne concerne guère, dans la première moitié du siècle, que l’Afrique du Nord et l’Afrique australe. Il faut attendre les années 1950 et 1960 pour que soient mises en valeur les ressources minérales de l’Afrique intermédiaire (pétrole, uranium, fer, bauxite) ainsi que ses ressources en énergie hydraulique (grands barrages).

La production agricole d’exportation, en Afrique du Nord et en Afrique australe, consiste en produits méditerranéens (blé, vin, agrumes, laine et viande de mouton); ailleurs, ce sont des produits tropicaux, produits alimentaires ou matières premières industrielles: arachide, coton, produits du palmier à huile, caoutchouc naturel, sisal, café, cacao.

L’agriculture tropicale de plantation sous forme de grands domaines ne se développe que tardivement (à partir des années 1930) et de manière limitée (40 000 ha de palmeraies du groupe Unilever au Congo belge; 36 000 ha d’hévéas de la firme américaine Firestone au Liberia; plantations de sisal en Afrique orientale). La plantation moyenne européenne (colonat) ne se répand que de manière très limitée sous les tropiques humides et est très vite supplantée par la petite ou moyenne plantation africaine: planteurs de cacaoyers du Gh na et du Nigeria (pays Yorouba), planteurs de cacaoyers et de caféiers de Côte d’Ivoire, du Cameroun, avec lesquels émerge au lendemain de la Seconde Guerre mondiale une bourgeoisie agraire africaine.

L’équipement est limité au minimum: quelques ports (souvent simples wharfs de capacité réduite), quelques chemins de fer de pénétration, le plus souvent à voie étroite (seules l’Afrique du Nord et l’Afrique australe disposant d’un véritable réseau ferré), quelques pistes où l’avènement de l’automobile, dans les années 1930, mettra fin aux corvées du portage, mais y substituera celles de l’aménagement et de l’entretien des pistes.

Sauf en Afrique du Nord et en Afrique australe, l’industrie est quasi absente: elle se limite à une première transformation de la matière première exportable (cuivre et étain de première fusion au Shaba, huile brute au Sénégal, déroulage de l’okoumé et contreplaqués au Gabon) ou à des industries de substitution aux importations (boissons, textiles, chaussures, cimenteries, montage de véhicules) qui ne se développent d’ailleurs vraiment qu’après 1946.

La crise des années 1930 et la Seconde Guerre mondiale vont introduire un changement dans la politique économique: un effort massif d’investissement public (on parlera par la suite d’«aide publique») porte sur les infrastructures (transports et énergie), la mise en valeur des ressources minières, les grands aménagements agro-industriels et l’encadrement technique de la petite production africaine. Les indépendances n’ont pas modifié profondément les structures économiques: le seul changement réside dans le caractère plus «international» de la dépendance, dont témoigne notamment l’association des États africains à la Communauté économique européenne (18 États associés en 1961; 45 en 1986 c’est-à-dire tous, sauf ceux de l’Afrique du Nord et l’Afrique du Sud). Aux organismes de financement des anciennes métropoles se joindront et se substitueront en partie des organismes européens, comme le Fonds européen de développement (F.E.D.), ou internationaux à dominante américaine (Banque mondiale, Fonds monétaire international). L’envers de la médaille: une dette devenue écrasante, même si elle est très éloignée en volume de celle des pays d’Amérique latine: 10,7 milliards de dollars en 1971, 87,8 en 1982, 174 en 1985, 272 à la fin de 1990.

Les théories du développement en vogue au début des années 1960 avaient accrédité l’idée qu’avec des aides extérieures et un effort d’épargne, par la modernisation des cultures d’exportation et l’industrialisation, les pays africains aboutiraient au décollage économique. Ces espoirs ont été déçus; le sous-développement relatif des pays africains, leur dépendance, les déséquilibres internes de leur économie se sont accrus de manière dramatique. La crise ouverte en 1974 et aggravée en 1979-1980, scandée par les deux chocs pétroliers, a durement frappé l’Afrique en se conjuguant avec la sécheresse qui depuis 1972 a sévi surtout dans les pays du Sahel. Elle s’est accélérée à partir de 1986, avec la chute brutale des investissements d’origine extérieure. La balance des flux monétaires (entrée des «aides» et investissements privés, sortie des revenus de capitaux étrangers, rapatriement de capitaux, service de la dette), positive jusqu’en 1982, est devenue négative: face=F0019 漣 11 milliards de dollars en 1984, 漣 15 milliards en 1987.

L’Afrique en proie à l’ajustement structurel

Dans cette situation de détresse, la plupart des pays d’Afrique (30 sur 50) on dû recourir aux organismes internationaux susceptibles de leur accorder une aide financière: principalement le Fonds monétaire international (F.M.I.) et la Banque mondiale.

Les crédits accordés par le F.M.I. sont assortis de l’obligation de respecter des «plans d’ajustement structurel» (P.A.S.) dont l’objet devrait être de rétablir la capacité de paiement des pays «aidés» et leur capacité de production. Trente États africains ont actuellement souscrit à ce genre d’accords.

Ces P.A.S., dans l’optique libérale, comportent les principales dispositions suivantes: diminution massive des dépenses publiques, notamment celles qui portent sur les aides à l’agriculture (crédits aux paysans, subventions sur les intrants – notamment engrais et produits phytosanitaires – et le matériel agricole), les subventions aux prix des denrées de première nécessité, les dépenses consacrées à l’éducation et à la santé; liquidation ou privatisation d’une grande partie du secteur public de l’économie; diminution massive des emplois publics; démantèlement des mesures de soutien ou de protection de la production locale, agricole et industrielle, et des restrictions à la libre circulation des capitaux.

Au terme des années 1980, on peut dire avec J. F. Bayart que ces P.A.S. ont abouti à «une sérieuse détérioration des conditions de vie des catégories sociales subordonnées, une désindustrialisation notable, l’aliénation du patrimoine public au profit des factions au pouvoir et d’intérêts étrangers sans pour autant conduire à un rétablissement des grands équilibres ni à une relance de l’appareil productif» (Marchés tropicaux et méditerranéens du monde, 13 sept. 1991, p. 2222), cela à de rares exceptions près (Ghana, Nigeria).

Les recettes d’exportation se réduisent du fait de l’effondrement des cours des produits exportés. Ainsi, de 1970 à 1990, le recul, en valeur réelle, des prix des boissons tropicales (café, cacao, thé) a été de 49 p. 100; il a été de 60 p. 100 pour les oléagineux. Dans l’ancien domaine français, la production cotonnière développée par un organisme français, la C.F.D.T. (Compagnie française pour le développement des fibres textiles) est passée de 130 000 tonnes de coton-graine en 1961-1962 à plus de 1 million de tonnes en 1989-1990. Mais la chute des cours en dessous du prix de revient pendant cinq ans (1985-1989) a abouti à un déficit cumulé de 2 milliards de francs français. En regard, le coût des céréales importées a augmenté (+ 47 p. 100 pour le blé, + 89 p. 100 pour le riz).

Les produits agricoles africains sont menacés par la concurrence de produits de substitution (ainsi, l’arachide par le tournesol et le colza cultivés en Europe); ils le sont aussi par l’entrée sur le marché de producteurs concurrents (Malaisie et Indonésie pour le cacao et l’huile de palme). Les parts de marché de l’Afrique se sont réduites (tabl. 2), à l’exception du thé, produit en Afrique de l’Est, et des primeurs de contre-saison exportées par avion vers l’Europe (Kenya, Burkina Faso, Sénégal, Niger, Mali).

La même baisse, en valeur (face=F0019 漣 30 p. 100 de 1970 à 1990) et en parts de marché (tabl. 2), frappe les productions minérales.

Les industries manufacturières s’étaient développées des années 1950 aux années 1970, tout en n’apportant qu’une contribution mineure au P.I.B (sauf en Afrique du Sud, 22,9 p. 100 du P.I.B., et à un moindre degré en Afrique du Nord).

Ces industries étaient peu intégrées, se limitant généralement à une première transformation des matières exportables, ou à la «substitution aux importations», produisant pour le marché intérieur, mais avec un équipement et, pour une large part, des matières premières, importés. Elles étaient soutenues et protégées (subventions, crédits à conditions privilégiées, avantages fiscaux, protection douanière). Elles s’effondrent aujourd’hui, emportées par la réduction du marché intérieur, la concurrence des produits importés moins chers, la contrebande. Celles qui subsistent ne fonctionnent souvent qu’à 20 à 30 p. 100 de leur capacité, et grâce à des aides des États ou des organismes internationaux. L’emploi salarié a diminué de 16 p. 100 entre 1980 et 1988, et ce recul s’est poursuivi depuis lors.

Malgré son extraversion, l’Afrique contribue peu, et de moins en moins, au commerce mondial (pour 4,3 p. 100 en 1963, pour 1,7 p. 100 en 1990). 75,9 p. 100 des exportations se sont effectués en 1988 à destination des grands pays industrialisés (C.E.E.: 57,7 p. 100 , États-Unis, Japon); les pays en développement n’en absorbent que 15,3 p. 100, et le commerce interafricain ne représente que 8,7 p. 100. Elles consistent essentiellement en matières premières et en produits alimentaires; la part des produits agricoles tend à y reculer au profit des produits minéraux et surtout du pétrole.

Les importations consistent, pour les trois quarts, en produits manufacturés ou biens d’équipement, pour 10 à 15 p. 100 en produits alimentaires et pour environ 10 p. 100 en produits énergétiques (produits pétroliers raffinés). Les importations de céréales ont augmenté de cinq fois en volume et de dix fois en valeur entre 1961-1963 et 1985-1987. L’essentiel en est payé, les «aides» alimentaires n’en représentent que 15 p. 100 environ.

L’Afrique apparaît en perdition et rien ne peut justifier l’optimisme ou l’indifférence face à une situation qui ne cesse de se détériorer et où ne se manifeste aucun signe de redressement.

Quelques chiffres encore: de 1980 à 1990, le revenu moyen par habitant a diminué de 25 p. 100; la scolarisation, qui avait fortement progressé après les indépendances, est en recul (face=F0019 漣 7 p. 100 de 1980 à 1990); l’O.N.U. estime à 140 millions le nombre des Africains en état de sous-alimentation permanente grave, et chaque année, de 20 à 30 millions d’entre eux sont menacés de famine.

Faut-il mettre en cause les Africains eux-mêmes, leur incapacité à résoudre leurs propres problèmes? Quelle que soit la part de responsabilité qui revient aux groupes dirigeants et à certains chefs d’États dans un tel désastre, il faut bien constater la responsabilité majeure des grandes puissances et du système économique qu’elles imposent aux pays «pauvres». Ce système vide l’Afrique de sa substance et aboutit, pour reprendre le terme de l’économiste Samir Amin, à un «blocage» des forces productives.

Sans un changement très rapide et fondamental dans la nature des relations économiques dictées au Tiers Monde, et particulièrement à l’Afrique, à travers le jeu du marché mondial ou des contrats, la déstabilisation qui gagne ce continent pourrait avoir des effets en retour catastrophiques sur le reste du monde.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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